Depuis plusieurs années, de nombreuses interrogations et réflexions tournent autour du fait national, de sa nature, de sa perception et même de sa pérennité. Face à une immigration parfois problématique et aux difficultés « d’intégration » de certaines parties de la population du Pays, l’attention s’est centrée sur les risque de fragmentation de la société française. Le débat a été placé sous le prisme de l’identité nationale. Depuis, celle-ci est proposée par certains comme le modèle à présenter aux nouveaux arrivants. Différentes politiques sont préconisées pour acculturer des individus ou des groupes qui restent en marge de la majorité de la population et se singularisent par des pratiques communautaristes fondées souvent sur des croyances religieuses.
Or, si le but est de permettre aux populations diverses qui peuplent notre Pays de se reconnaître et se revendiquer comme parties prenantes de la communauté la plus large, la Nation, il parait utile de trouver une autre vision, un autre modèle d’intégration que la conformité à une identité dont la nature reste à préciser. L’accélération de la mondialisation et ses effets rendent nécessaire une réactualisation de la Nation définie par Ernest Renan au XIXe siècle. Cette approche novatrice consiste à considérer qu’au fil de la longue histoire de la France, des groupes humains ont fait des apports qui sont autant de chapitres d’un récit national. Parfois il s’agit de modestes paragraphes, parfois d’une simple ligne mais qui enrichissent l’aventure nationale. On comprend alors que la reconnaissance par tous des apports de chacun à ce récit national peut être un puissant facteur de cohésion sereine et d’estime mutuelle. Le récit national est l’expression et l’explication de la communauté de destin qui caractérise la Nation.
Ce récit national oriente l’histoire du Pays et trace une direction à son futur. Il est porteur d’un projet national implicite qui résulte de la dynamique issue de ce récit. Ce projet national est l’horizon commun vers lequel tendent les composantes de la Nation, quelle que soit leur ancienneté. Il suppose des voies et des choix qui sont à définir puis à défendre. L’expression de ce destin commun qui reste toujours incertain doit faire l’objet d’une démarche adaptée, une véritable maïeutique, afin qu’aucun groupe ayant écrit une part du récit national ne s’en sente exclu.
Le récit national et le projet qu’il sous-tend font ressortir des attentes, des valeurs, des « choses » précieuses pour la communauté nationale. Ce sont ces attentes, ces valeurs et ces « choses » qui donnent aux Français le désir de les assurer et la volonté de les défendre. Ils sont les fondements de l’esprit de défense que les auditeurs de l’IHEDN ont la mission de faire rayonner.
Les angles d’approche de ce thème sont multiples.
Bien évidemment l’Histoire peut être sollicitée en premier. La chronologie du récit national est décisive et le projet national qu’il sous-tend a varié dans le temps. Dans quelle mesure, à quel rythme ? Comment les derniers grands apports ont-ils recouvert ou pas ce qui les précédait, donnant parfois l’impression d’une stabilité de toute éternité qui peut s’avérer relative ? Comment se conservent ou évoluent les couches anciennes de ce récit ? Comment les nouveaux morceaux du récit réinterprètent-ils les anciens ? Quelle place donner aux mémoires de périodes qui fracturent la société actuelle ? Quelles perspectives sont ainsi tracées au fil du temps ? Mais aussi comment des résistances jouent-elles pour ne pas modifier le récit initial ou supposé tel ? C’est tout le problème de la reconnaissance ou pas d’un droit à poursuivre le récit national.
Mais le récit national n’est pas qu’un tissu d’événements. Il est aussi une alchimie culturelle d’une grande complexité. Les représentations mentales, la dimension linguistique, les sensibilités religieuses, les opinions philosophiques, les exigences morales sont des facteurs de construction mais aussi d’évolutions voire de révolutions du cours du récit et donc du projet national qu’il sous-tend.
Ce récit national ne se déploie pas de façon isolée. La France a des voisins, des partenaires, des adversaires voire des ennemis au fil de son histoire. Les récits d’autres communautés qui lui sont extérieures influencent sa constitution et dévient son projet national. L’avènement des États-nations en Europe puis dans le reste du monde a fortement conditionné notre propre récit et le projet qui en provient.
Une telle approche conduit à s’interroger sur la confluence du récit national avec d’autres récits qui sont susceptibles de l’englober sinon de s’y substituer. La formation d’un sentiment français a érodé les sentiments infranationaux pourtant bien vifs pendant des siècles. Le dépassement du cadre national par la prise de conscience d’autres cadres de solidarité est-il en voie ou bien bute-t-il sur des facteurs incontournables ? La question vaut pour le cadre européen, mais aussi pour des transversalités idéologiques ou religieuses.
Comment ces évolutions ont-elles remis sur le métier le récit national et le projet qui en découle ? Comment les attachements humains en ont-ils été transformés ?
Voici quelques pistes parmi beaucoup d’autres qui permettent d’entrer dans le thème. Il est clair que les réflexions auront à revêtir des aspects concrets comme des aspects théoriques. La richesse des compétences et des points de vue de la communauté des auditeurs en sera particulièrement valorisée.