29 avril 2013
MINISTÈRE DE LA DÉFENSE – version pdf du document
Éditorial du Ministre
Parmi les engagements pris par le Président de la République en
2012 figurait celui d’élaborer un nouveau Livre blanc sur la Défense et la Sécurité nationale, pour tenir compte des bouleversements géostratégiques, mais également économiques, qui sont intervenus depuis 2008, et qui placent la France, et notre défense en particulier, dans des tensions qu’il convenait de résoudre.
A partir d’une vision renouvelée du monde, en particulier des risques et des menaces qui pèsent sur notre pays et sur l’Europe, ce Livre blanc pose les bases d’un nouveau projet pour notre défense. Ce projet, tout en répondant à la fragilisation de nos finances publiques – car c’est aussi un enjeu de souveraineté pour la France –, préserve l’essentiel et permet ainsi de pérenniser notre outil de défense, qui était menacé.
Ce Livre blanc présente par ailleurs des nouveautés. Il est le premier qui tout ensemble définit les conséquences de la pleine participation de la France dans l’Organisation militaire de l’Alliance atlantique et propose une approche pragmatique et volontariste à la fois de notre engagement dans la construction de l’Europe de la défense, au moment où celle-ci semble douter. Il maintient et adapte des données fondamentales de notre stratégie, comme la dissuasion nucléaire, mais il ouvre aussi notre défense et la sécurité nationale à des dimensions nouvelles, cruciales pour notre avenir et notre autonomie stratégique, comme la cyberdéfense.
Le Livre blanc renouvelle ainsi notre stratégie militaire et définit un projet cohérent, qu’il nous revient maintenant de mettre en œuvre et de faire vivre, pour que demain la France continue d’avoir des armées et une défense performantes, adaptées aux enjeux de sécurité comme aux responsabilités internationales qui seront alors les siens. Ministre de la Défense, sous l’autorité du Président de la République, c’est le cap que je veux fixer.
Ce cap, les hommes et les femmes de la défense le tiendront, et je veillerai, toujours à leurs côtés, à un juste partage de l’effort ainsi qu’à la reconnaissance de l’engagement de chacun et de la mobilisation de tous autour de ce projet.
Jean-Yves Le Drian
Ministre de la Défense
Ce qu’il faut retenir du Livre blanc 2013 :
12 points clés et nouveautés
1 – Confirmer la notion de sécurité nationale
La stratégie de sécurité nationale a pour objet de permettre à la France de parer aux risques et menaces, directs ou indirects, susceptibles de menacer la vie de la nation. Ce concept, introduit par le Livre blanc de 2008, puis codifié par la loi en 2009, est confirmé. Il se fonde sur la prise en compte de la continuité des menaces et des risques intérieurs et extérieurs qui pèsent sur la France, son territoire, sa population, ses intérêts de sécurité. Il permet de prendre la mesure des dimensions de toute nature de ces menaces et d’organiser au niveau national les réponses pour y faire face, en mobilisant à cette fin l’ensemble de l’appareil d’État, les forces armées, les forces de sécurité intérieure et de sécurité civile, comme les moyens des collectivités locales décentralisées et des grands opérateurs d’importance vitale pour le pays.
2 – Faire évoluer l’analyse des menaces par rapport au Livre blanc de 2008
Le niveau de menace et le climat d’incertitude qui caractérisent notre environnement international depuis
2008 ne se sont pas estompés. L’analyse doit désormais prendre en compte trois phénomènes :
• Les « menaces de la force ». Le risque de résurgence de conflits entre Etats reste plausible à l’horizon
2025 : augmentation des dépenses militaires, particulièrement en Asie ; politiques de puissance (Russie, Chine) ; déstabilisations régionales (Moyen et Proche-Orient) ; prolifération des armes de destruction massive et leurs conséquences ; attaques informatiques diligentées par des Etats…
• Les « risques de la faiblesse » : la faiblesse ou la défaillance de certains Etats peut devenir une menace ; c’est un phénomène stratégique qui prend une ampleur nouvelle. Lorsque certains Etats se révèlent incapables d’exercer leurs responsabilités, les risques et les menaces qui se cristallisent sur leur territoire peuvent rapidement déborder et affecter notre propre sécurité ; sont ici visées les situations de défaillance d’État en Afrique, au Moyen-Orient, en Asie, qui appellent des réactions et l’implication de la communauté internationale, en particulier des Nations Unies ;
• Les menaces et risques amplifiés par la « mondialisation » : ils concernent les menaces et risques pesant sur les flux de biens, de marchandises, ou de personnes, en constante augmentation avec la mondialisation économique ; les risques pesant sur la sécurité maritime avec l’accroissement spectaculaire de la piraterie ; les risques de terrorisme qui demeurent extrêmement présents au coeur des préoccupations de sécurité de la plupart des pays ; l’accroissement exponentiel des risques visant les infrastructures numérisées à travers les cyberattaques ; les menaces pouvant viser l’espace extra-atmosphérique ; il s’agit d’autant de facteurs d’insécurité que favorise la mondialisation.
La classification 2013 des menaces pouvant viser le territoire, la population et les ressortissants français et auxquelles la stratégie de défense et de sécurité nationale doit pouvoir répondre en priorité sont :
• les agressions par un autre État contre le territoire national ;
• les attaques terroristes ;
• les cyberattaques ;
• les atteintes au potentiel scientifique et technique ;
• la criminalité organisée dans ses formes les plus graves ;
• les crises majeures intervenant sur le territoire résultant de risques naturels, sanitaires, technologiques, industriels et accidentels ;
• les attaques contre nos ressortissants à l’étranger.
3 – Adapter les priorités géostratégiques au nouvel environnement international
Le Livre blanc énonce clairement des priorités géostratégiques en cohérence avec les objectifs de protection des Français d’une part et de mise en oeuvre de nos responsabilités internationales d’autre part :
• protéger le territoire national et les ressortissants français, garantir la continuité des fonctions essentielles de la Nation, préserver notre souveraineté, dans l’hexagone comme dans les outre-mer ;
• garantir avec nos partenaires européens et alliés la sécurité de l’Europe et de l’espace nord-atlantique, par un rôle actif au sein de l’Union européenne et de l’OTAN ;
• stabiliser avec nos partenaires et alliés le voisinage de l’Europe, notamment pour nous préserver des menaces de la faiblesse face aux crises susceptibles d’affecter les approches orientales de l’Europe, la zone méditerranéenne ou l’Afrique ; le Livre blanc 2013 se distingue en particulier par la place accordée au continent africain ;
• au Proche-Orient et dans le Golfe Arabo-Persique, mettre en oeuvre les accords de défense souscrits par la France et protéger ses intérêts de sécurité et ses intérêts stratégiques conjointement avec ses alliés ;
• contribuer à la paix et à la sécurité internationale dans le monde, en particulier dans l’Océan Indien, en
Asie et en Amérique du Sud.
4 – Prendre en compte à la fois la permanence du niveau des menaces et la contrainte des finances publiques
La stratégie de défense et de sécurité nationale doit, en 2013, résoudre une contradiction délicate : un niveau de risque et de menaces équivalant à celui qui prévalait en 2008 et des ressources que l’impératif de redressement de nos finances publiques contraint de façon beaucoup plus radicale aujourd’hui.
Pour résoudre cette difficulté, le Livre blanc combine la volonté de doter le pays d’une capacité à assumer toutes ses responsabilités de défense et de sécurité, une adaptation de notre stratégie et une vision de long terme.
Quatre orientations majeures permettent de répondre à cette question :
• le maintien d’un effort de défense significatif, décidé par le Président de la République : la dépense de défense dans les années à venir sera d’abord stabilisée en valeur pour connaître ensuite une remontée progressive en volume, ce qui marque la place singulière de la défense dans la trajectoire générale des finances publiques. 179,2 milliards d’euros 2013 seront consacrés à la défense entre 2014 et 2019 et
364 milliards entre 2014 et 2025. Le budget de la France restera le deuxième budget militaire de l’Union européenne. C’est à ce prix que peuvent être maintenues l’ambition de la France et la préservation de son autonomie stratégique.
• la prise en compte de l’impératif industriel : le Président de la République a choisi de préserver l’ensemble des secteurs industriels critiques qui font de notre base industrielle et technologique un instrument de l’autonomie stratégique et de la souveraineté de la France. Il en résulte une priorité continue sur la période du Livre blanc en faveur des dépenses de recherche et de développement et un effort d’équipement de nos forces à l’horizon 2025 ; cet effort d’équipement permettra leur modernisation, à un rythme certes plus lent que ce qui était prévu par la programmation précédente, mais en assurant le renouvellement de toutes les capacités critiques indispensables à nos armées et en respectant les priorités clairement établies en faveur des capacités de dissuasion, de renseignement et de projection de puissance.
• la définition d’un modèle d’armée efficient pour faire face aux menaces et aux risques les plus prévisibles : ce modèle d’armée vise à tirer le meilleur parti de nos capacités militaires, en appliquant un principe de différenciation qui permet de concentrer les moyens les plus onéreux là où ils sont indispensables, en cohérence avec les différents types d’engagement des forces, et un principe de mutualisation pour les capacités rares et critiques pouvant être utilisées dans différentes missions (dissuasion, protection ou intervention) ou partagées avec nos principaux partenaires européens (transport, ravitaillement en vol, capacité aéronavale …) ou encore entre services (renseignement technique).
• une dynamique européenne affirmée qui nous permette de tirer le meilleur parti de nos alliances : le Livre blanc décrit à la fois la volonté de la France de relancer pragmatiquement l’Europe de la défense, porteuse des meilleures synergies pour la sécurité commune, et son intention de jouer un rôle moteur au sein de l’Alliance Atlantique, pour que l’organisation atlantique puisse continuer à se transformer, au service d’une défense et d’opérations militaires plus efficientes.
5 – Tirer le meilleur parti de la pleine participation de la France dans l’OTAN.
Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale intègre les conclusions de la mission confiée par le Président de la République à M. Hubert Védrine. Il en ressort que l’Alliance Atlantique est une composante essentielle de la stratégie de défense et de sécurité nationale.
La France entend donc tirer le meilleur parti de sa pleine participation à la structure militaire de l’OTAN. Elle y jouera donc un rôle actif, par les responsabilités qu’elle assumera à tous les niveaux du commandement, comme par sa contribution aux opérations et par la vision qu’elle entend promouvoir du rôle de cette alliance militaire.
Au sein de l’Alliance atlantique et grâce à l’effort de défense qu’elle consent pour sa part, la France conservera son identité et son autonomie comme sa capacité à prendre sa place dans le commandement et à peser sur la planification, la doctrine et la stratégie. Cette vision, articulée avec son projet pour l’Europe, lui permettra de conserver sa liberté de décision et d’action tout en s’associant de façon solidaire à l’effort commun des alliés. Elle entend également prendre une part très active au processus de rénovation des moyens d’action de l’OTAN.
6 – Relancer avec pragmatisme une dynamique au service de l’Europe de la défense
Le Livre blanc de 2013 souligne que la France et ses partenaires européens sont engagés dans une communauté de destin. La construction européenne en matière de défense et de sécurité sera donc un axe fort de la stratégie de la France. Une relance pragmatique de la Politique de sécurité et de défense commune s’impose, dans un contexte marqué à la fois par la situation financière critique que connaissent plusieurs pays et par les évolutions de la politique américaine, davantage tournée vers l’Asie.
La France estime que les pays européens doivent pouvoir définir les intérêts de sécurité communs essentiels pour l’Union. Elle propose que soit établi un Livre blanc de l’Union européenne en matière de défense et de sécurité qui serait l’occasion d’exprimer une ambition politique globale partagée entre les Etats-membres. Elle recommande que la relance qu’elle appelle de ses voeux fasse l’objet de décisions spécifiques du Conseil européen, permette de dépasser les insuffisances de l’Union en matière d’opérations extérieures, favorise le développement et les mutualisations des capacités militaires les plus essentielles pour les opérations les plus plausibles et encourage la consolidation de l’industrie de défense des pays européens. Ce projet va de paire avec la poursuite de la construction européenne en matière de sécurité intérieure.
7 – Renouveler la stratégie générale et la stratégie militaire
- Stratégie générale : Le Livre blanc de 2013 se caractérise par une articulation nouvelle entre trois grandes missions définies par le Président de la République : la protection du territoire et de la population ; la dissuasion nucléaire ; et l’intervention des forces armées à l’extérieur du territoire national.
La protection est première dans notre stratégie de défense et de sécurité nationale, mais elle ne peut être assurée sans la capacité de dissuasion et d’intervention. La dissuasion nucléaire a pour objet de nous protéger contre toute agression d’origine étatique contre nos intérêts vitaux, d’où qu’elle vienne et quelle qu’en soit la forme. L’intervention confère à la sécurité de la France la profondeur stratégique, au-delà de son territoire, qui lui est indispensable. Elle conforte également la crédibilité de notre dissuasion. Les trois grandes missions sont donc étroitement complémentaires.
Sur cette base, le Livre blanc reprend les cinq fonctions stratégiques identifiées en 2008, qui concourent à ces trois missions fondamentales et qu’il conforte et redéfinit en fonction des évolutions intervenues depuis lors : la connaissance et l’anticipation, la dissuasion, la protection, la prévention et l’intervention. - Stratégie militaire : Jusqu’au Livre blanc de 2013, les forces françaises ont été principalement conçues et dimensionnées à partir de l’hypothèse d’un affrontement majeur de haute intensité avec des forces étatiques de niveau équivalent. Le Livre blanc de 2008 insistait particulièrement sur le principe de polyvalence et le haut de niveau de modernisation de toutes les unités. Le Livre blanc de 2013 introduit une inflexion par rapport à cette tendance. En cohérence avec l’analyse des menaces de la force et des menaces de la faiblesse, il distingue les opérations de coercition, susceptibles de voir nos forces affronter des armées étatiques, et les opérations de gestion de crise, qui ont des caractéristiques militaires différentes. En fonction de ces éléments et des éléments plus large du contexte stratégique, il retient quatre principes directeurs pour le nouveau modèle d’armée :
a) l’autonomie stratégique, qui est la clé de la liberté de décision et d’action, de la capacité de la France à prendre les initiatives d’opérations qu’elle jugerait nécessaires, comme des moyens de peser dans une coalition multinationale où la France serait engagée ;
b) la cohérence du modèle avec la diversité des engagements possibles de nos forces dans les conflits et dans les crises, c’est-à-dire la capacité à faire face aussi bien à des opérations de coercition et d’entrée sur un théâtre de guerre, qu’à des opérations de gestion de crise dans toute la diversité qu’elles peuvent revêtir aujourd’hui, et aux actions qu’implique la protection de nos intérêts de sécurité sur tout le spectre des missions militaires les plus probables ;
c) la différenciation des forces, qui consiste à les distinguer en fonction des types de missions qu’elles sont appelées à remplir, – dissuasion, protection, gestion de crise, coercition et opérations de guerre. Il s’agit aussi d’un principe d’économie, aboutissant à ne financer les capacités les plus onéreuses que là où elles sont indispensables, et de spécialisation relative des forces ;
d) la mutualisation, grâce à laquelle nous devons être en mesure d’affecter un noyau de capacités polyvalentes rares et du plus haut niveau technologique à plusieurs missions, (protection, dissuasion et intervention) ; ce principe conduit aussi à mettre en commun, pour les différents services de renseignements, certains des moyens techniques les plus performants. Il revêt enfin une dimension européenne, dès lors que nous chercherions avec nos partenaires européens à mettre en commun des capacités opérationnelles majeures (transport, ravitaillement en vol, capacité aéronavale, satellites…)
8 – Bâtir un nouveau modèle d’armée
a) Sur la base des principes ainsi retenus, le Livre blanc définit tout d’abord les principaux contrats opérationnels assignés par le chef de l’État à nos armées. Ces contrats permettent de faire face à un spectre large d’engagements et comprennent les missions permanentes d’une part, et les missions non permanentes d’intervention à l’extérieur de nos frontières d’autre part. Ils disposent que les armées devront être aptes :
- à poursuivre la mission de dissuasion, reposant sur deux composantes,
- à remplir les missions de protection du territoire et de la population, impliquant les capacités nécessaires à la protection des approches terrestres, aériennes et maritimes et comportant la confirmation d’une capacité des forces terrestres pouvant aller jusqu’à 10 000 hommes, ainsi que les moyens adaptés des forces navales et aériennes, en renfort des forces de sécurité intérieure,
- à s’engager dans la gestion de crises internationales, le cas échéant sur trois théâtres avec des moyens allant jusqu’à 7 000 hommes, des unités navales dont un groupe Bâtiment de projection et de commandement (BPC) et une douzaine d’avions de combat,
- enfin, à entrer dans une opération de coercition majeure impliquant des forces spéciales, jusqu’à deux brigades interarmes représentant environ 15 000 hommes des forces terrestres, 45 avions de combat et un groupe aéronaval.
b) le nouveau modèle d’armée nécessaire pour générer de telles forces s’appuie d’abord sur un ensemble de capacités de haut niveau susceptibles d’assurer nos moyens de commandement, de planification et de décision. Les armées conserveront la capacité de mettre sur pied des commandements de composantes terrestres maritimes et aériennes d’un niveau de corps d’armée ou équivalent.
Les capacités de renseignement seront développées de façon prioritaire, avec un effort accru de modernisation des ressources humaines, de renforcement de nos moyens techniques d’imagerie et d’interception électromagnétique, d’origine spatiale, aérienne, navale et terrestre.
Le modèle d’armée inclut pour la première fois des capacités de cyberdéfense militaires, en relation étroite avec le renseignement et la planification défensive et offensive, préparant ou accompagnant les opérations militaires.
Les forces spéciales seront renforcées dans leurs effectifs, leurs moyens de commandement et leur capacité à se coordonner avec les services de renseignement; la dimension interarmées du COS sera également confortée.
Les forces terrestres reposeront sur une force opérationnelle terrestre de l’ordre de 66 000 hommes projetables, comportant, outre des éléments d’appui et de soutien opérationnel, sept brigades interarmes : deux brigades aptes au combat de coercition, trois brigades multi-rôles, deux brigades légères ; 200 chars lourds,
250 chars médians, 115 hélicoptères de manœuvre, 140 hélicoptères de reconnaissance et d’attaque et une trentaine de drones tactiques.
Les forces navales reposeront sur la FOST avec ses 4 SNLE, des capacités de combat de premier plan pour les opérations de haute intensité et de gestion des crises majeures, avec un porte-avions, 6 SNA, 3
Bâtiments de projection et de commandement et 15 frégates de premier rang, comprenant les frégates de défense aérienne, les frégates multi-missions et des unités de combat moins puissantes, notamment les frégates de type Lafayette adaptées avec sonar. Elles seront complétées par des unités plus légères aptes au contrôle des espaces maritimes : 15 patrouilleurs, 6 frégates de surveillance, des bâtiments d’assistance. Elles comprendront également des avions de patrouille maritime ainsi qu’une capacité de guerre des mines apte à la protection de nos approches et à la projection en opérations extérieures.
Les forces aériennes mettront en oeuvre la composante aéroportée de la dissuasion. Elles disposeront de capacités d’entrer en premier en opération de guerre, de frappe dans la profondeur et d’appui de la manœuvre terrestre d’une part, et de capacités à remplir des missions de gestion de crise ou de protection de l’espace aérien national ou de ses approches d’autre part. Elles renouvelleront leur capacité de transport et contribueront fortement à la surveillance et au renseignement dans les zones de crise ou d’engagement. À ces fins, elles disposeront de 225 avions de chasse air et marine, d’une cinquantaine d’avions de transport tactique, d’une douzaine d’avions ravitailleurs multi rôles, de 12 drones de surveillance de théâtre, de
7 avions de détection et de surveillance aérienne et d’une flottille d’avions légers de surveillance et d’observation.
9 – La cyberdéfense : une nouvelle donne stratégique
Le Livre blanc de 2013 marque une étape nouvelle et déterminante dans la prise en compte de la menace informatique et dans le développement des capacités de cyberdéfense. Il décrit la vulnérabilité croissante de l’Etat et de la société face à des attaques de plus en plus dangereuses : tentatives de pénétration de réseaux à des fins d’espionnage, prise de contrôle à distance, paralysie et bientôt destruction des infrastructures d’importance vitale, voire des systèmes d’armes et de capacités militaires stratégiques.
Le Livre blanc prévoit donc une posture stratégique visant à déterminer l’origine des attaques, à organiser la résilience de la Nation et à y répondre, y compris par la lutte informatique offensive. La France se donnera les moyens d’être autonome dans la production de systèmes de sécurité, de renforcer les ressources humaines consacrées à la cyberdéfense et d’améliorer la fiabilité des systèmes d’information de l’Etat et des grands opérateurs. Dans le domaine de la défense, une chaine de commandement unifiée sera développée et confortée pour faire face à la recrudescence des menaces. Enfin, une réserve opérationnelle et une réserve citoyenne pour la cyberdéfense seront mises en place pour accroître la résilience du pays.
10 – Accorder la priorité au renseignement
Le Livre blanc donne une portée nouvelle à la priorité accordée au renseignement. Celui-ci voit son rôle central réaffirmé, au-delà des seules nécessités militaires ou strictement sécuritaires et au bénéfice des quatre autres fonctions stratégiques. Sa gouvernance sera améliorée, en confortant le rôle du Coordonnateur national du renseignement placé auprès du Président de la République, en renforçant les moyens du Parlement à travers la capacité de la Délégation parlementaire d’exercer le contrôle de la politique du Gouvernement dans ce domaine, et en rendant publique une stratégie nationale du renseignement.
Le Livre blanc met l’accent sur l’importance des moyens à accorder au renseignement intérieur dans les années à venir. Il engage aussi un effort d’investissement global majeur portant en particulier sur : les composantes spatiales et aériennes de l’imagerie et des écoutes électromagnétiques ; la diversification des capteurs, avec particulièrement les drones, les avions légers d’observation et les charges embarquées sur plateformes aériennes, navales ou terrestres ; les moyens consacrés à la cyberdéfense ; les moyens techniques d’interception adaptés à la rapidité du développement du numérique. En outre, afin de tirer le meilleur parti de ces équipements, le Livre blanc établit un principe de mutualisation des moyens techniques les plus coûteux entre les services de renseignement, sous la supervision du Coordonnateur national.
11 – Reconnaître la mission des hommes et des femmes de la défense et valoriser leurs droits
Les réformes conduites depuis 2008 ont entraîné de profondes mutations tant territoriales que d’organisation, qui ont souvent affecté les conditions de vie et le moral des hommes et femmes qui servent notre défense. Le Livre blanc souligne qu’une attention particulière sera portée aux conditions de la conduite des changements à venir, dans le respect des efforts déjà consentis et des droits individuels.
Cette évolution passe par la reconnaissance d’une citoyenneté à part entière des militaires, avec leurs missions singulières, reconnues dans les statuts particuliers qui les régissent. Ils devront donc bénéficier des évolutions sociales créatrices de droits, notamment lorsqu’elles permettent de mieux concilier engagement professionnel et vie privée, qu’elles favorisent le droit d’expression et modernisent les conditions de la concertation et du dialogue.
Pour y parvenir, la gouvernance des ressources humaines sera rénovée pour assurer la cohérence d’ensemble et la concertation au sein du ministère de la Défense. De nouveaux instruments seront mis en œuvre à cette fin (groupe permanent de liaison avec le ministre, outils d’expression coopératifs pour la concertation militaire, mise en œuvre des accords de Bercy et poursuite de l’agenda social dans le cadre d’un dialogue nourri et respectueux avec les personnels civils).
Les décisions prises en 2008 et la loi de programmation votée en 2009 ont prévu la suppression de 55 000 postes sur la période 2009-2015, dont plus de 10 000 en 2014-2015. Dans les six ans à venir, le ministère de la Défense appliquera ces décisions et engagera une déflation complémentaire, mais nettement plus modérée, pour se conformer aux nouveaux contrats opérationnels approuvés par le Président de la République, respecter l’impératif de réduction de la dépense publique et traduire les engagements de rationalisation de l’administration publique. Cette réduction nouvelle portera sur environ 24 000 hommes. Au total, entre 2014 et 2019, le ministère de la Défense devra donc réduire ses effectifs d’environ 34 000 personnes, hors externalisations.
Un nouveau dispositif d’accompagnement social et économique de ces évolutions sera mis au point dans la Loi de programmation militaire (LPM).
Enfin, le Livre blanc 2013 souligne l’importance des réserves et de l’esprit de défense.
12 – L’impératif industriel
Le Livre blanc reconnaît l’industrie de défense comme une composante essentielle de l’autonomie stratégique de la France. Avec 4 000 entreprises, près de 15 milliards d’euros de chiffre d’affaires, environ
165 000 emplois directs et indirects en France, et l’exportation de 25% et 40% de sa production, l’industrie de défense est l’un des moteurs de la compétitivité de l’économie française, comme de l’emploi. Sa place sera donc préservée. Le Président de la République a jugé en effet que le maintien d’un volume significatif de crédits publics était stratégique pour garantir les compétences indispensables dans les secteurs clés identifiés par le ministère de la défense et le ministère du redressement productif.
Cette priorité se traduit aussi dans le niveau accordé, dans le modèle d’armées, aux études et recherches qui conditionnent l’avenir : ce financement sera maintenu au niveau actuel tout au long de la période
2014-2025.
Cette politique volontariste sera accompagnée d’un soutien résolu de l’Etat aux entreprises (y compris les PME) dans le domaine des exportations, dans le respect de nos engagements en matière de contrôle. Elle favorisera à ce titre des partenariats avec les principaux clients.
La dimension européenne de la stratégie du gouvernement comprendra un volet industriel essentiel. La
France prendra des initiatives à ce titre dans le cadre de la préparation du Conseil européen de décembre
- Elle veillera à la mise en place de cadres communs pour le soutien des capacités technologiques et industrielles partagées, en s’appuyant notamment sur l’expérience franco-britannique dans le domaine des missiles, fondée sur un principe d’interdépendances librement consenties. Par ailleurs, la France encouragera l’exploitation des potentialités de l’Agence européenne de défense (AED) et de l’Organisation conjointe de coopération en matière d’armement (OCCAR).
La France et l’évolution du contexte stratégique
1a. La sécurité nationale, un concept confirmé
Le concept de sécurité nationale, introduit par le Livre blanc de 2008 et inscrit dans la loi du 29 juillet 2009, traduit la nécessité, pour la France, de gérer les risques et les menaces, directs ou indirects, susceptibles d’affecter la vie de la Nation. Il exprime la volonté d’adopter une approche globale et interministérielle dans l’identification des risques et des menaces comme dans la réponse à leur apporter ; à cette fin, il combine un ensemble de moyens qui incluent la connaissance et l’anticipation, la protection, la dissuasion, la prévention et l’intervention.
- S’agissant de la protection du territoire national et des ressortissants français, les risques pris en compte par la stratégie de défense et de sécurité nationale sont :
Les agressions par un autre État contre le territoire national ; les menaces terroristes, les cyberattaques, les atteintes au potentiel scientifique et technique, la criminalité organisée dans ses formes les plus graves, les crises majeures résultant de risques naturels, sanitaires, technologiques, industriels ou accidentels les attaques contre nos ressortissants à l’étranger. - la stratégie de sécurité nationale organisera des réponses diversifiées, qui s’appuieront sur les principes suivants :
Faire de la connaissance et de l’anticipation un axe majeur d’amélioration de la protection et de la promotion des intérêts fondamentaux de la Nation ; renforcer la politique de cybersécurité, pour être à la hauteur des menaces identifiées dans un domaine caractérisé par une très forte dynamique ;
assurer la continuité des fonctions vitales de la Nation, afin que la qualité de la réponse ne dépende pas de la nature de l’agression, mais que la résilience de notre pays repose sur une démarche transverse, globale et partagée ; consolider et améliorer la capacité de l’Etat à répondre aux crises, afin d’impliquer plus encore l’ensemble des acteurs, étatiques comme privés, nationaux et zonaux ; assurer la protection des outre-mer, en tenant compte de toutes les spécificités de ces territoires ; renforcer la capacité à lutter contre le terrorisme, tant il est clair que l’actualité montre à quel point l il reste l’une des premières menaces à considérer ; construire enfin une filière industrielle de sécurité, pour asseoir toute la démarche sur une base industrielle et technologique nationale et européenne. - Une dimension interministérielle mobilisant une multitude d’acteurs pour prévenir et gérer les crises majeures :
La France sera en mesure de penser et conduire son action en relation avec plusieurs acteurs et à des niveaux différents : au niveau national où l’Etat orchestre l’action de l’ensemble des ministères, des services publics, des forces armées, des collectivités territoriales et des opérateurs d’infrastructures et réseaux vitaux ; au niveau international, notamment en application de la clause de solidarité instituée par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
À cet effet, il sera procédé à un recensement des moyens actuels et à acquérir pour les différents ministères civils (Intérieur, Outre-mer, Écologie et Développement durable, Économies et Finances, Santé, Agriculture) qui donnera lieu dès 2013 à un contrat général interministériel qui fixera les capacités civiles nécessaires aux missions relatives à la sécurité nationale.
1b. Les risques et les menaces
Le Livre blanc effectue une nouvelle catégorisation et appellation des risques et des menaces.
- Les menaces de la force
L’augmentation significative et rapide des dépenses militaires dans certaines régions du monde est significative de la prégnance de ce type de menace. A titre illustratif, les dépenses militaires de l’Asie ont désormais dépassé celles de l’Europe.
Elles recouvrent notamment :
• La possibilité d’une résurgence de conflits entre Etats, dans lesquels nous pourrions être conduits à être
partie prenante, illustrée par les problématiques asiatiques et russe ;
• La poursuite de la prolifération nucléaire et balistique dans une zone qui s’étend du Moyen-Orient à la
Corée du Nord ;
• Le développement par certains Etats de capacités informatiques offensives, qui peuvent représenter
une menace directe contre nous. - Les risques de la faiblesse
La première décennie du XXIème siècle aura montré que la défaillance de certains Etats à exercer les fonctions essentielles de la souveraineté crée des risques pour notre sécurité. Il s’agit une donnée stratégique nouvelle.
Ces défaillances favorisent l’implantation de groupes terroristes ou criminels, le développement de trafics et, par voie de conséquence, l’apparition de déséquilibres internes susceptibles de déboucher sur des crises régionales.
Nombre d’États concernés se trouvent aux portes de l’Europe, en Afrique subsaharienne, au Moyen-Orient et en Asie.
3.Les menaces et les risques amplifiés par la mondialisation
La mondialisation unifie l’espace stratégique et rapproche les menaces de la force comme les risques de la faiblesse. C’est un accélérateur et un amplificateur.
Sont principalement concernés :
•La difficulté pour les États de maîtriser des flux matériels et immatériels en constante
augmentation
•La diffusion des technologies qui peut faciliter la prolifération balistique et celle d’armes de destruction
massive ;
• Le menace du terrorisme, qui demeure majeure ; il n’y a pas de signe que celle-ci pourrait décroître à court ou moyen terme, et le Livre blanc prend en compte l’hypothèse d’une attaque terroriste de grande ampleur sur le territoire ;
• Les menaces se développant dans le cyberespace, qui constitue désormais un champ de confrontation
à part entière ; elles se sont accrues de façon exponentielle depuis 2008 ;
• L’espace extra-atmosphérique avec, dans le domaine militaire, les questions du libre accès et de
l’utilisation souveraine de l’espace, qui sont des conditions de notre autonomie stratégique ;
• Les risques naturels, sanitaires et technologiques qui peuvent, par leur ampleur, désorganiser nos
sociétés.
1c. Les priorités géostratégiques de la France
Le Livre blanc énonce et hiérarchise clairement les priorités stratégiques de la France, en cohérence avec les objectifs majeurs que représentent la protection du territoire et des Français et l’exercice de nos responsabilités internationales. L’échelle des priorités qui détermine le niveau et l’intensité de nos engagements potentiels s’ordonne comme suit :
- Territoire national, ressortissants français et continuité des fonctions essentielles de la Nation
Les risques et les menaces pris en compte sont les agressions par un autre État contre le territoire national, les attaques terroristes, les cyberattaques, les atteintes au potentiel scientifique et technique, la criminalité organisée dans ses formes les plus graves, les crises majeures résultant de risques naturels, sanitaires, technologiques et industriels, et les attaques contre nos ressortissants à l’étranger.
Le Livre blanc précise que les risques et les menaces qui pèsent sur les outre-mer posent des problèmes spécifiques liés à leur éloignement et à leurs caractéristiques propres; leur situation stratégique requiert une attention renforcée, notamment en raison de nombreuses richesses qu’ils recèlent et des phénomènes illégaux qui se développent dans leur voisinage immédiat. - Europe et espace nord-atlantique
La plupart des risques et des menaces concernant la France sont très largement partagés par les autres pays membres de l’Union européenne et de l’Alliance Atlantique.
Plusieurs d’entre eux concernent de façon identique les deux rives de l’atlantique-nord. La nature étroite et profonde de nos relations bilatérales avec les États-Unis et le Canada, nos engagements de défense collective au titre du traité de l’atlantique-nord et notre communauté de valeurs structurent entre nous une solidarité de droit et de fait. La France continuera d’assumer pleinement ses responsabilités dans ce cadre. La stabilité de tous les pays de l’espace européen est donc une priorité. La résolution d’une situation de crise dans cet espace proche est une responsabilité première des Européens. - Voisinage de l’Europe
L’intérêt de l’Europe, et avec elle de la France, est que n’émerge aucune menace dans son voisinage immédiat : la sécurité du voisinage de l’Europe a donc pour la France comme pour l’Union européenne un caractère prioritaire.
Le territoire européen et son voisinage oriental continuent de requérir une vigilance particulière : des fragilités subsistent dans des États issus de l’éclatement de l’URSS et de la Yougoslavie, et la relation avec la Russie doit être entretenue et consolidée.
L’action et le rayonnement de la Turquie, membre actif de l’OTAN, dans le Caucase, en Asie centrale et au Moyen-Orient, ainsi que la densité des relations qu’elle entretient avec des pays de l’Union européenne, dont la France, en font un allié de premier plan.
La Méditerranée est une façade stratégique de l’Union européenne. Le Maghreb revêt pour la France et pour l’Europe une importance particulière, en raison d’intérêts communs multiples et d’enjeux partagés, notamment dans le contexte instable des suites des révolutions arabes. De même, la France et l’Europe ont été régulièrement impliquées dans la plupart des crises survenant en Méditerranée orientale, qu’il s’agisse du Liban, des crises liées au conflit israélo-arabe, de la Libye et aujourd’hui de la Syrie.
Le Sahel, de la Mauritanie à la Corne de l’Afrique, ainsi qu’une partie de l’Afrique subsaharienne – notamment le Golfe de Guinée et les pays riverains – sont des zones prioritaires pour la France : le Livre blanc 2013 se distingue en particulier par la place accordée au continent africain.La façade atlantique de l’Afrique revêt en outre une importance particulière pour les intérêts européens, compte tenu du développement des relations avec l’Amérique latine. - Proche-Orient, Golfe Arabo-Persique
• La sécurité de la zone qui s’étend des rives de la Méditerranée orientale au Golfe Arabo-Persique constitue une priorité en soi. Les différents conflits qui la déchirent ont chacun leur dynamisme propre, mais ils ne peuvent être compris isolément les uns des autres, la sécurité de la zone devant être appréhendée dans sa globalité. Cette zone, où la course de l’Iran à des capacités nucléaires militaires engendre un risque de prolifération, concentre des risques d’affrontements graves qui auraient un impact global sur la planète.
• La stabilité du Golfe Arabo-Persique est un enjeu majeur. La France est liée par des accords de défense à trois États de la région (Émirats arabes unis, Koweït et Qatar) et elle a établi une base interarmées à Abu Dhabi ; un accord de coopération militaire a été signé avec Bahreïn et des relations étroites sont entretenues avec l’Arabie Saoudite. La capacité à mettre en œuvre nos accords en coordination étroite avec nos alliés est une priorité.
- Asie, Pacifique et Amérique latine
• La France a des intérêts globaux, justifiant le maintien d’un réseau diplomatique étendu et des capacités de projection et de puissance que sa marine assure sur tous les océans. La stabilité et la sécurité de l’Asie, de l’Océan Indien et du Pacifique revêtent ainsi pour la France une importance stratégique particulière. La France y consolide son engagement politique à travers sa coopération de défense, une présence active, le développement de partenariats stratégiques et l’intensification de ses réseaux de coopération.
• Le poids démographique, économique, politique et militaire de l’Asie en fait aujourd’hui une région qui concentre des enjeux et des intérêts de sécurité importants. L’Asie constitue aujourd’hui le principal foyer de croissance du monde, mais aussi l’une des régions où les risques de tensions et de conflits sont les plus élevés.
• Pour la France et pour l’Europe, la sécurité de l’Océan Indien, voie d’accès maritime vers l’Asie, est une priorité. Zone de transit pour le commerce international, l’océan Indien se situe au cœur d’enjeux stratégiques mondiaux.
• Dans le Pacifique, la France assume pleinement ses responsabilités de puissance politique et maritime
présente dans la région (accord de partenariat stratégique avec l’Australie en 2012 notamment).
• L’engagement français en Amérique latine ne se limite pas à sa présence territoriale sur le continent sud-américain. L’affirmation de l’Amérique latine sur la scène internationale est désormais une donnée géopolitique qui témoigne du caractère multipolaire du nouveau paysage stratégique. Les relations anciennes entre la France et le Brésil ont pris un cours nouveau avec le lancement en 2006 d’un partenariat stratégique ; le Mexique, la Colombie, le Pérou, le Chili et l’Argentine sont également des interlocuteurs régionaux incontournables.
1d. La pleine participation de la France dans l’OTAN
Le Livre blanc sur la Défense et la Sécurité nationale intègre les conclusions de la mission confiée par le Président de la République à M. Hubert Védrine sur l’évaluation des suites de la décision de réintégration de la France dans les structures militaires de l’OTAN et sur le développement de la relation transatlantique dans la décennie à venir .
- Tirer le meilleur parti de la pleine participation de la France à l’OTAN
L’Alliance Atlantique est une composante essentielle de la Défense et de la Sécurité nationale ; la France s’engagera pleinement dans l’organisation atlantique, forum privilégié du lien transatlantique et de la défense collective de ses membres.
A ce titre, la France reprend toute sa place dans le fonctionnement d’une organisation dont elle est l’un des membres fondateurs ; elle contribuera en particulier à la vitalité, la cohérence et l’avenir de l’organisation.
Pour autant, la France gardera sa capacité autonome pour analyser et prévoir en amont, proposer, et contribuer à la planification de façon à pouvoir orienter sa politique au sein de l’alliance et à prendre une part très active au processus de rénovation de ses moyens d’action ainsi qu’aux opérations qui pourront être engagées. - La France est attachée à la solidarité de l’Alliance dans toutes ses dimensions militaires
La France veillera au maintien d’une combinaison appropriée de capacités nucléaires, conventionnelles et de défense antimissile pour la dissuasion et la défense.
Les forces nucléaires stratégiques et indépendantes du Royaume-Uni et de la France, qui ont un rôle de dissuasion propre, contribuent à la dissuasion globale et à la sécurité des Alliés. - La France continuera à promouvoir une organisation atlantique adaptée à différents types de conflits
Parmi ces types de conflits figurent la défense collective (pierre angulaire de l’Alliance), les opérations de gestion de crise, le traitement des menaces transverses (terrorisme, prolifération, cyberattaques), les activités de sécurité collective (partenariats, désarmement…).
Nos armées conserveront la capacité de mettre sur pied des commandements de composante terrestre, maritime et aérienne, du niveau d’un corps d’armée ou équivalent, ainsi que celle de nation-cadre d’une opération de moindre importance. - La France poursuivra sa participation active au processus de rénovation des moyens d’action de l’Alliance
La France assume l’un des deux commandements stratégiques : celui de la transformation.
Elle continuera d’accorder la priorité à l’adaptation de l’organisation de la structure de commandement aux engagements opérationnels les plus probables, à la rationalisation des agences, et à l’amélioration de la prévision et de la gestion financière. - L’OTAN et l’UE ne sont pas en concurrence mais sont complémentaires, qu’il s’agisse des opérations extérieures ou d’initiatives comme la mutualisation ou le partage capacitaire. La France entend donc jouer pleinement son rôle dans l’une comme l’autre organisation pour contribuer à la sécurité collective.
Le rapport est disponible sur internet : http://www.defense.gouv.fr/actualites/articles/remise-du-rapport-vedrine
L’OTAN comprend deux commandements « suprêmes » : le Commandement allié des opérations, situé à Mons (Belgique) et le Commandement allié chargé de la transformation, situé à Norfolk (États-Unis) crée en 2003 et chargé de la doctrine et de l’adaptation de l’outil militaire.
1e. L’Europe de la Défense : dynamisme et pragmatisme
Notre pays a fait le choix de lier de façon irréversible son destin à celui de nos partenaires européens. La France partage avec eux la plupart des menaces et des risques auxquels elle est confrontée : la conclusion pragmatique de ce constat est que nous y ferons face plus efficacement si nous nous mettons en mesure d’y répondre ensemble.
La France fera de la construction européenne en matière de défense et de sécurité une priorité.
- Donner une impulsion du plus haut niveau politique et relancer de manière pragmatique la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC)
Le Conseil européen, au sommet des institutions européennes, doit donner l’impulsion pour déterminer le rôle que l’Europe veut jouer sur la scène internationale et la nature de l’ordre mondial que les Européens souhaitent promouvoir.
A terme, un Livre blanc de l’Union européenne pourrait contribuer au débat européen sur la défense et la sécurité et serait l’occasion d’exprimer une vision partagée.
Cette impulsion doit être complétée par une démarche résolument pragmatique : actions de prévention, opérations extérieures conjointes, programmes communs d’armement, mutualisation des capacités. - Renforcer l’efficacité de l’Union européenne en matière d’approche globale des crises et d’opérations extérieures
Le cadre européen a vocation à devenir le cadre de référence dès lors qu’il s’agit de mobiliser toute la gamme des instruments civils et militaires requis pour mettre en œuvre une approche globale des crises. En outre, la France considère que le partenariat qui lie les États-Unis et l’Union européenne sera d’autant plus solide que cette dernière endossera les responsabilités qui lui incombent dans la gestion des crises qui affectent sa sécurité.
Avec 28 opérations civiles et militaires conduites depuis 2003, l’Union européenne a acquis une réelle expérience en matière de gestion de crises et de maintien de la paix.
Le Livre blanc appelle :
−à une meilleure coordination des moyens civils et militaires,
−à une adaptation des procédures de l’Union à son rôle opérationnel,
−à un renforcement de la réactivité et des capacités d’intervention des forces qui peuvent être mises à la disposition de la PSDC.
- Jouer un rôle moteur dans le développement et les mutualisations des capacités
La France veillera à disposer des capacités critiques nécessaires à son autonomie de décision et à tout engagement ; elle entend toutefois s’engager résolument dans l’initiative de mutualisation et de partage capacitaire (pooling and sharing).
Seront proposées à nos partenaires la mutualisation du renseignement d’origine satellitaire et de la capacité à déployer et exploiter les drones de surveillance ainsi que des initiatives dans le domaine du transport stratégique et du ravitaillement en vol.
Le développement du marché européen de la défense et la consolidation de la Base industrielle et technologique de défense européenne (BITD-E) dans le secteur de l’armement font partie des priorités stratégiques françaises. - Favoriser la poursuite de la construction européenne en matière de sécurité intérieure
Le Livre blanc appelle à la poursuite et à l’intensification de la construction européenne en matière de sécurité intérieure.
La France est disposée à développer des projets communs à l’image des coopérations déjà conduites dans les domaines judiciaire, migratoires et sanitaires. - L’OTAN et l’UE ne sont pas en concurrence mais sont complémentaires, qu’il s’agisse des opérations extérieures ou d’initiatives comme la mutualisation ou le partage capacitaire.
1f. Stabiliser le voisinage de l’Europe
La sécurité de l’Union européenne est étroitement liée à celle de l’ensemble du continent européen. L’intérêt de l’Europe et, avec elle de la France, est que n’émerge aucune menace dans son voisinage immédiat. Dès lors, la sécurité des marges de l’Union européenne a pour la France un caractère prioritaire : pas plus que ses autres partenaires européens, la France n’a le loisir de choisir entre ces façades de l’Europe, d’égale importance pour la sécurité à long terme du continent. Le Livre blanc développe ainsi le concept de sécurité des approches de l’Europe de la façon suivante :
- Aux marges orientales :
Des fragilités subsistent dans des États issus de l’éclatement de l’URSS et de la Yougoslavie.
La dépendance énergétique de l’Europe à l’égard de la Russie, du Caucase et de l’Asie centrale reste importante.
L’Union européenne est désormais dans une situation de voisinage avec la Russie. La relation avec la Russie doit être en permanence entretenue et consolidée, dans un contexte où les logiques de puissance et d’interdépendance se mêlent et parfois s’opposent. - En Méditerranée, façade stratégique de l’Union européenne :
Les révolutions politiques et sociales dans le monde arabe ont ouvert une nouvelle phase historique, qui porte en elle des promesses mais aussi des risques, comme nous le rappellent la situation en Libye et la tragédie syrienne.
La France y partage des enjeux communs de sécurité, face notamment au terrorisme et aux trafics illicites. À cet égard, le Maghreb revêt pour la France et pour l’Europe une importance particulière, dans le contexte instable des suites des révolutions arabes.
Le risque de vide sécuritaire dans certains pays ou dans certaines zones continue de représenter un défi potentiel pour l’ensemble de la Méditerranée et de l’Europe du Sud.
Ainsi en Méditerranée orientale, qu’il s’agisse du Liban, des crises liées au conflit israélo-arabe, de la
Libye et aujourd’hui de la Syrie, la France et l’Europe se sont impliquées. - En Afrique, La crise du Mali, qui a nécessité l’intervention de la France, est à cet égard exemplaire.
Elle illustre l’importance de la région et la gravité pour l’Europe des menaces qui s’y développent.
Plus particulièrement, le Sahel et une partie de l’Afrique subsaharienne, le golfe de Guinée et ses pays riverains sont également des zones proches d’intérêt prioritaire.
En outre, la façade atlantique de l’Afrique revêt une importance particulière pour les intérêts européens, compte tenu du développement des relations avec l’Amérique latine. - Pour une vision européenne partagée des risques et des menaces :
Pour la France, ces approches constituent des zones d’intérêt prioritaire pour l’ensemble de l’Union européenne. Une vision commune des risques et des menaces au sein de l’Union est souhaitable et urgente ; celle-ci pourrait être reprise dans le futur Livre blanc européen.
1g. La France et l’Afrique
Le Livre Blanc accorde une place particulière à l’Afrique dans notre stratégie de Défense et de Sécurité Nationale, du fait de la proximité géographique, de la profondeur des liens humains que nous avons développés avec les pays de ce continent et de l’importance des relations économiques et énergétiques qui nous lient au sud de la Méditerranée.
- Le Livre blanc insiste sur le potentiel et les enjeux du continent africain
Si l’Afrique subsaharienne confirme dans les prochaines décennies son décollage économique, le continent africain peut contribuer à la prospérité européenne et devenir un des moteurs de la croissance mondiale, comme en témoigne l’intérêt croissant pour l’Afrique de nombreuses puissances.
Cette région souffre encore de grandes fragilités : capacité des États à contrôler leur territoire, dynamiques transnationales à l’origine de flux illicites très déstabilisants (drogue, êtres humains, armements…) et porteurs de menaces (terrorisme, piraterie…).
Selon que les espaces non gouvernés reculeront ou au contraire s’étendront, ce sont donc deux avenirs bien différents qui se profileront dans les vingt prochaines années. - Le Livre blanc montre les liens entre la sécurité de l’Europe et l’évolution harmonieuse du continent africain.
Des liens anciens, des intérêts communs multiples et des échanges permanents font de l’Afrique du Nord une façade stratégique de l’Union européenne. Le Sahel et une partie de l’Afrique subsaharienne – notamment le golfe de Guinée – constituent également des zones d’intérêt prioritaire pour l’Europe et la France, en raison des enjeux qu’elles portent et des menaces auxquelles elles sont confrontées, comme l’illustre la crise du Mali.
La France estime qu’il s’agit d’une zone stratégique prioritaire pour l’ensemble de l’Union européenne et qu’une approche commune est souhaitable et urgente. Il appartient aux Européens d’agir préventivement sur les foyers de crises à leurs portes, d’autant que notre allié américain attend que nous y prenions une part croissante des responsabilités. - Le Livre blanc dessine les grandes lignes d’un partenariat stratégique rénové entre la France et les pays africains
L’Union Africaine et les organisations sous-régionales sont devenues des acteurs de la sécurité du continent qui apportent une contribution importante à la paix internationale.
Le soutien à la formation d’une architecture de sécurité collective en Afrique est une priorité de la politique de coopération et de développement de la France.
Les accords passés avec certains pays africains offrent à nos forces armées des facilités d’anticipation et de réaction à travers plusieurs implantations.
−Une conversion de ces prépositionnements sera réalisée afin de disposer de capacités réactives et flexibles, à même de s’adapter aux réalités et besoins à venir du continent.
−Cette évolution devra notamment privilégier une meilleure contribution de nos forces à l’assistance à nos alliés et partenaires, à la capacité des Africains à gérer eux-mêmes les crises, au renseignement et à la lutte contre les trafics et le terrorisme.
1h. Le Golfe Arabo-Persique
La France participera à stabilité du golfe arabo-persique.
- Le Golfe Arabo-Persique revêt une importance stratégique particulière :
• Sa stabilité est un enjeu majeur non seulement pour la France et pour tous les pays européens, mais aussi pour les États-Unis et les grandes puissances émergentes, de plus en plus présentes dans la zone.
• Cette zone, où la course de l’Iran à des capacités nucléaires militaires engendre un risque de crise majeure de prolifération, concentre des risques d’affrontements graves qui auraient un impact global sur la planète.
• Outre la présence de réserves énergétiques encore considérables, elle est l’une des principales voies de transit de l’économie mondiale : le détroit d’Ormuz reste le point de passage obligé d’environ 30 % des exportations mondiales de pétrole. - La France confirme le renforcement de sa présence et de sa coopération de défense dans cette région
• Elle est liée par des accords de défense à trois États de la région (Émirats arabes unis, Koweït et Qatar)
et a établi une base interarmées à Abu Dhabi.
• Un accord de coopération militaire a été signé avec Bahreïn et des relations étroites sont entretenues avec l’Arabie Saoudite. - Un conflit dans le Golfe Arabo-Persique pourrait avoir des répercussions graves et variées :
• Atteinte à la liberté de navigation dans le détroit d’Ormuz, tirs de missiles balistiques, déstabilisation de pays de la région.
• Par le jeu des alliances et des accords de défense, un conflit prendrait d’emblée une forte dimension internationale et impliquerait directement la France.
• En cas de conflit, la menace balistique iranienne affecterait immédiatement tous les pays de la région.
• Dans ce contexte, le modèle d’armées nous offre d’une part la capacité à mettre en œuvre nos accords et d’autre part celle d’agir de façon conjointe et coordonné avec nos alliés.
1i. La France et l’Asie
L’Asie constitue le principal foyer de croissance du monde mais aussi l’une des régions où les risques de tensions et de conflits sont les plus élevés.
- Les risques de tensions et de conflits en Asie restent élevés
Principal foyer de croissance économique du monde au cours des trente dernières années, l’Asie a connu un développement économique considérable. Cet essor économique s’est opéré dans un contexte politique qui demeure fragile, notamment en raison de contentieux géopolitiques parfois anciens. Ceux-là nourrissent encore des tensions ou des conflits récurrents qui se traduisent notamment par une course aux armements intense. - L’importance stratégique particulière de l’Océan Indien
Pour la France et pour l’Europe, la sécurité de l’océan Indien, voie d’accès maritime vers l’Asie, est de ce point de vue une priorité.
Zone de transit pour le commerce international, l’océan Indien se situe au cœur d’enjeux stratégiques mondiaux (en particuliers sécurité des approvisionnements stratégiques, lutte contre le terrorisme, contre la prolifération…), comme en témoigne la présence permanente des marines américaines, asiatiques et européennes.
Puissance riveraine de l’Océan Indien, la France y joue un rôle particulier, qui a encore été renforcé avec le développement d’une relation privilégiée avec l’Inde. L’Inde, avec laquelle la France entretient une coopération étroite formalisée dans le cadre d’un partenariat stratégique, apparaît comme un facteur de stabilité dans la région. - Un engagement politique et de défense significatif de la France en Asie orientale
La France participe à la sécurité de la région grâce à sa coopération de défense et de sécurité.
Elle consolide son engagement politique à travers une présence active et le développement de partenariats stratégiques ;
Elle souhaite approfondir son action auprès des organisations régionales de sécurité. - La France entend contribuer à la paix et à la stabilité en Asie
Comme ses partenaires européens, la France n’est pas directement menacée par des conflits potentiels entre puissances asiatiques ; elle n’en est pas moins directement concernée, notamment en raison de son rôle particulier au sein du Conseil de sécurité des Nation Unies, de sa présence dans la région, du nombre croissant de ses ressortissants et de son alliance avec les Etats-Unis.
En cas de crise ouverte, la France apporterait, aux côtés de ses alliés, une contribution politique et militaire d’un niveau adapté. - La France : une puissance active et responsable dans le Pacifique
La France assume pleinement ses responsabilités de puissance politique et maritime présente dans la région.
Aux côtés de l’Australie, avec laquelle a été conclu un accord de partenariat stratégique en 2012, la France continuera à marquer sa souveraineté et à l’intégrité de son territoire outre-mer.
Dans une région caractérisée par la fragilité de certains Etats, la France continuera d’apporter une assistance grâce aux moyens présents dans les collectivités d’outre-mer, notamment en cas de catastrophe naturelle.
1j. Les enjeux maritimes
- Les constats :
La mondialisation s’est accompagnée d’une pression de plus en plus forte sur les ressources marines, notamment les matières premières minérales et énergétiques tirées des fonds marins.
Le transport par mer occupe une part croissante dans le commerce mondial ; la maîtrise des voies maritimes est donc un enjeu majeur.
Les États éprouvent une difficulté croissante à maîtriser le contenu et la destination des flux qui empruntent les espaces maritimes, difficilement contrôlables, et où se développent les trafics illégaux en tout genre (trafics de drogue, d’armes, d’êtres humains, de marchandises de contrebande, etc.).
Ceci se traduit par de nouvelles menaces asymétriques comme l’atteste la réapparition de la piraterie.
- Le Livre blanc réaffirme trois objectifs :
• Faire respecter le droit. La France possède le deuxième espace océanique mondial, synonyme de richesses stratégiques. Il revient à notre pays d’y défendre sa souveraineté, d’y faire respecter l’ordre et d’y assurer la sécurité. C’est l’objet de la sauvegarde maritime et de l’action de l’Etat en mer. La polyvalence, la complémentarité et l’endurance des services des différentes administrations présentes en mer continueront de garantir l’exécution de cette mission permanente.
• S’opposer aux trafics illégaux, de façon autonome mais souvent aussi dans un cadre multinational, notamment européen. La capacité à surveiller de vastes espaces, à exploiter un renseignement d’origine variée et à coopérer avec les autres nations sont les clefs de la réussite dans cette lutte.
• Enfin, mener des opérations depuis la mer. La mer est un espace de manœuvre stratégique, un trait d’union entre la plupart des pays du monde, une zone de transit commercial pour nos alliés et nos partenaires, mais également pour nos adversaires éventuels. La maîtrise de cet espace est un défi majeur et un enjeu de puissance qui explique le renforcement des ambitions et des capacités navales de certains pays, notamment en Asie. Ce défi sera relevé, pour la défense et la sécurité de notre pays, ainsi que pour permettre la consolidation de l’Europe et le respect de nos alliances. C’est un enjeu fondamental pour la mise en œuvre des capacités de haute intensité des forces navales, capables de projeter par voie maritime la puissance et la force.
1k. L’outre-mer
- Les enjeux
La France est présente sur tous les océans et sur la plupart des continents, notamment grâce à ses outre- mer. Outre leur importance économique et stratégique, ces territoires permettent à notre pays d’entretenir des relations bilatérales approfondies avec des pays éloignés de l’hexagone et d’être membre ou partenaire de nombreuses organisations régionales, souvent comme seul Etat européen.
Cette présence permet à la France de disposer de la deuxième zone économique exclusive après les Etats-Unis – soit 11 millions de km2 qui représentent 3 % de la surface des mers du globe – où se trouvent de nombreuses ressources halieutiques, minérales et énergétiques dont l’exploitation constitue et constituera un atout très important pour notre pays. De nombreux risques et menaces pèsent sur les territoires ultra-marins : catastrophes naturelles (séismes, cyclones, tsunamis, volcans, etc.), pillage des ressources naturelles (orpaillage clandestin, pêche illégale), narcotrafic, piraterie maritime, etc. Ils affectent directement la sécurité des presque trois millions de nos concitoyens qui vivent dans les outre- mer. La protection de nos territoires et de leur population exige des réponses adaptées qui tiennent compte à la fois de l’ampleur des risques et menaces et des contraintes propres aux outre-mer, notamment leur éloignement et leur dispersion. - Une priorité stratégique réaffirmée :
Dans ce contexte, la France restera en mesure de marquer sa souveraineté et de défendre ses intérêts. Elle doit pouvoir surveiller, contrôler et éventuellement agir militairement face à une menace portant atteinte à l’intégrité du territoire national et à la sécurité des populations,
Les orientations du Livre blanc de 2008 qui prévoyaient la remontée en puissance des capacités civiles sont confirmées et conduiront à une relance de l’action interministérielle dans ce domaine. La mutualisation des capacités sera prioritairement recherchée et donnera lieu, entre les parties prenantes, à l’élaboration, dès 2013, d’un programme quinquennal d’équipements mutualisés.La défense et la sécurité des outre- mer devront également prendre en compte de façon systématique leur environnement régional. Ainsi, s’agissant de la lutte contre la pêche illicite et l’orpaillage clandestin en Guyane ou contre l’immigration irrégulière à Mayotte, la France s’emploiera à mieux coopérer avec ses voisins, notamment le Brésil et l’Union des Comores. - Des moyens d’action renouvelés qui se traduiront :
Par la présence effective et réactive de nos forces armées sur l’ensemble des territoires ;
Par le maintien de toutes les capacités interarmées (forces terrestres, moyens aériens et navals) associées aux missions de protection et de sécurité: l’exigence de protection des populations d’outre-mer est la même que dans l’hexagone ;
Par le maintien d’une forte présence en mer, au travers d’unités assurant les missions militaires et contribuant aux missions interministérielles (patrouilleurs, Bâtiments multi-missions ou « B2M », frégates de surveillance, etc…) ;
Enfin, les capacités de projection de forces resteront assurées mais en s’appuyant davantage sur les moyens de l’hexagone.
Une stratégie militaire renouvelée
2a. Stratégie générale : les cinq fonctions stratégiques
La stratégie française a évolué dans le temps.
Le Livre blanc de 1972 était centré sur la dissuasion nucléaire.
Celui de 1994, comme lors de la professionnalisation en 1996, plaçait la capacité d’action extérieure conventionnelle au cœur de notre doctrine et de nos moyens.
Celui de 2008 a été marqué par l’extension de notre stratégie à la sécurité nationale et par l’identification de cinq grandes fonctions stratégiques : connaissance et anticipation, dissuasion, protection, prévention et intervention.
- Le Livre blanc de 2013 dessine une stratégie générale qui se caractérise par une articulation nouvelle autour des missions de protection, de dissuasion nucléaire et d’intervention :
La protection de notre territoire et de notre population reste première dans notre stratégie de défense et de sécurité nationale, mais elle ne saurait être assurée sans la capacité de dissuasion et d’intervention.
La dissuasion nucléaire constitue la garantie ultime de protection de la France contre les agressions ou menaces d’agression d’origine étatique visant ses intérêts vitaux.
L’intervention de nos forces à l’extérieur du territoire national confère à la sécurité de la France la profondeur stratégique, au-delà de son territoire, qui lui est indispensable. Elle conforte par là même la crédibilité de la dissuasion, et garantit la protection de ses intérêts de sécurité dans le monde. - Sur cette base, le Livre blanc impose une convergence accrue entre les cinq fonctions stratégiques identifiées en 2008, qu’il conforte et redéfinit en fonction des évolutions intervenues depuis lors :
• La connaissance et l’anticipation des risques et des menaces, notamment à travers le renseignement et la prospective, visent à doter la France d’une capacité d’appréciation autonome des situations, indispensable à une prise de décision libre et souveraine.
• La dissuasion : la dissuasion nucléaire vise à protéger la France de toute agression d’origine étatique contre ses intérêts vitaux, d’où qu’elle vienne et quelle qu’en soit la forme, notamment en écartant toute menace de chantage sur ces intérêts qui viserait à paralyser cette liberté de décision et d’action.
• La protection : il s’agit de garantir l’intégrité du territoire, d’assurer aux Français une protection efficace contre l’ensemble des risques et des menaces, en particulier le terrorisme et les cyberattaques, de préserver la continuité des grandes fonctions vitales de la Nation et de garantir sa résilience.
• La prévention des crises qui affectent notre environnement inclut des actions diverses, allant de l’élaboration de normes nationales et internationales à la lutte contre les trafics, au désarmement, à la consolidation de la paix, ainsi qu’à la présence et au positionnement de nos forces armées dans les pays avec lesquels
• L’intervention a pour objectif d’assurer la protection de nos ressortissants à l’étranger, de défendre nos intérêts stratégiques et de sécurité et ceux de nos alliés, et de nous permettre d’exercer nos responsabilités internationales, notamment en honorant nos alliances.
2b. Principes directeurs du nouveau modèle d’armée et stratégie militaire
Notre stratégie militaire est renouvelée pour faire face à un contexte stratégique marqué par des évolutions certaines mais aussi menaçant et incertain qu’en 2008, et à l’impératif de redressement de nos finances publiques.
- Trois grandes missions structurent l’action de nos forces
• La protection de notre territoire et de notre population, en métropole comme outre-mer, est une mission permanente de notre stratégie de défense et de sécurité nationale ; elle associe les forces armées aux forces de sécurité intérieure, de sécurité civile et aux autres forces susceptibles d’y contribuer, par exemple les douanes.
• La dissuasion nucléaire vise à protéger la France de toute agression ou menace d’agression d’origine étatique visant ses intérêts vitaux, en faisant peser sur l’adversaire potentiel la menace de dommages inacceptables, hors de proportion avec l’enjeu d’un conflit.
• L’intervention à l’extérieur du territoire national vise à protéger les ressortissants français et européens, à défendre les intérêts de sécurité de la France dans le monde et à honorer nos alliances et nos responsabilités internationales. - Quatre principes mettent notre modèle d’armée au service de notre stratégie
• L’autonomie stratégique. Il s’agit pour la France de disposer de sa liberté de décision et d’action, d’être en mesure de prendre l’initiative d’opérations qu’elle estimerait nécessaire et de pouvoir s’engager en coalition en jouant un rôle conforme à ses objectifs politiques. Une telle exigence impose de disposer des capacités critiques indispensables, en particulier :
- celles qui conditionnent la défense de nos intérêts vitaux,
- celles qui sont nécessaires à la prise d’initiative dans des opérations simples et probables (commandement interarmées, renseignement, ciblage, forces spéciales, moyens de combat au contact de l’adversaire),
- celles qui sont liées à la capacité de fédérer et d’entraîner au sein d’une coalition tout en conservant notre indépendance d’appréciation (moyens de frappes précises dans la profondeur, capacité autonome à « entrer en premier » sur un théâtre d’opérations de guerre, capacité de commandement dans une opération interalliée ).
• La cohérence du modèle avec la diversité des missions dans lesquelles la France est susceptible d’engager
ses forces armées .
Seuls très peu de pays disposent des moyens de s’engager sur tout le spectre des conflits. Le Livre blanc décrit un modèle d’armée qui permettra à la France d’être capable de :
- répondre aux menaces d’emploi de la force par des Etats, y compris lorsque ses intérêts vitaux sont susceptibles d’être menacés ; ceci nécessite l’entretien d’une force de dissuasion et d’une capacité à s’engager dans les opérations de coercition les plus exigeantes, face à des forces étatiques ;
- conduire dans la durée les opérations de gestion de crises de tous types, visant à faire cesser les situations de violence, notamment en cas de déstabilisations régionales ou de défaillances d’États ;
- pourvoir à la protection du pays et de ses intérêts de sécurité, face aux risques résultant notamment de la mondialisation (par exemple protection des infrastructures essentielles contre la cybermenace ou le terrorisme ; actes visant la sécurité des approvisionnements ; risques naturels, sanitaires ou technologiques).
• La différenciation des forces consiste à les distinguer en fonction des missions qu’elles sont appelées à remplir (forces de dissuasion, forces de protection, forces de gestion de crise, forces de coercition). Ce principe de spécialisation relative est un principe d’efficience (entraîner et équiper nos unités et nos équipages en fonction des spécificités de chaque mission) et un principe d’économie (ne financer les capacités les plus onéreuses que là où elles sont indispensables) qui permet aussi de favoriser le volume des forces déployables dans les opérations où ce facteur est clé. La différenciation repose notamment sur l’existence de moyens lourds, médians ou légers dans chaque armée :
- Les forces terrestres distingueront des brigades adaptées à l’entrée en premier face à un adversaire de niveau équivalent (équipées, par exemple de chars lourds), des brigades multirôles destinées à la gestion de crise (chars médians, capacités de génie) et des brigades légères ;
- Les forces navales reposeront à la fois sur des capacités de combat de premier plan pour les opérations de haute intensité (porte-avions, SNA, frégates de défense aérienne, frégates multi-missions) complétées par des unités de combat moins puissantes (notamment les frégates type Lafayette adaptées) pouvant opérer en situation de crises et aptes à la lutte anti sous-marine, mais permettant de ne pas user
le potentiel des forces lourdes et de préserver un nombre suffisant de moyens, facteur indispensable de la présence en mer; elles disposent également d’unités légères aptes au contrôle de vastes espaces maritimes, dans nos approches et outre-mer (patrouilleurs, frégates de surveillances, .. ).
- Les forces aériennes disposeront des capacités adaptées à un conflit majeur, grâce à des flottes d’avions polyvalents du meilleur niveau (Rafale). Elles conserveront par ailleurs un nombre d’aéronefs suffisants, en prolongeant des avions plus anciens (Mirage 2000 par exemple), notamment pour remplir les missions de gestion de crises ou de protection de l’espace aérien national et de ses approches. La préparation opérationnelle sera également différenciée, soutenue en amont par une rénovation de la formation des pilotes de chasse.
• La mutualisation consiste à affecter un noyau de capacités polyvalentes et rares à plusieurs missions (protection, dissuasion, intervention extérieure). Il aboutit également à appliquer pour les services de renseignement une règle de mise en commun de certains des moyens techniques les plus performants pour leurs missions respectives. Il sera enfin appliqué au niveau de l’Europe de la défense : nous allons rechercher auprès de nos partenaires européens une mise en commun de certaines capacités indispensables à l’action. Parmi les domaines de mutualisation possibles, on peut citer le domaine de l’observation spatiale, celui du transport aérien et du ravitaillement en vol, de la surveillance des théâtres d’opérations, de la logistique dans les zones de crise et de la capacité de déploiement d’un groupe aéronaval.
Ces quatre grands principes d’organisation traduisent un changement d’orientation majeure par rapport aux décisions prises depuis 1996.
Avant cette date, nous disposions d’un outil militaire organisé pour le principal en vue d’un affrontement militaire unique et extrême. A partir de 1996, nous avons conservé un instrument militaire conçu pour des affrontements génériques de haute intensité que nous avons utilisé de manière croissante dans les opérations extérieures. Ceci a conduit en 2008 à retenir le principe de la polyvalence des forces, qui devaient toutes être capables de s’engager dans l’ensemble des missions dont la diversité commençait à s’imposer comme un fait stratégique majeur.
Le Livre blanc de 2013 est le premier à tirer pleinement les conséquences des défis qui sont ceux de nos forces aujourd’hui : il organise nos forces pour remplir avec la plus grande efficience chacune des différentes missions.
2c. Connaissance et anticipation : la priorité du renseignement
Le renseignement est une priorité du Livre blanc, soulignée à plusieurs reprises par le Président de la République, notamment lors du lancement des travaux du Livre blanc le 13 juillet 2012 : « ce qui est ici en cause, c’est la faculté de notre pays de conserver sa liberté d’appréciation et de décision ». L’appréciation des situations s’appuie sur des informations complémentaires recueillies à partir de trois origines : le renseignement humain, l’analyse des messages détectés et des fréquences dans le spectre électromagnétique et le recueil d’images (et de vidéos). Les six services de renseignement ont été constitués depuis 2008 en communauté du renseignement dont la gouvernance est organisée autour du Coordonnateur national du renseignement (CNR). L’académie du renseignement, créée en 2010, a véritablement contribué à l’émergence d’une culture partagée au sein de la communauté française du renseignement.
- Le rôle central du renseignement dans la stratégie de défense et de sécurité nationale
Le renseignement relève de la fonction stratégique « connaissance et anticipation » et conditionne l’engagement de la France. Il est une clé de l’autonomie stratégique et de l’efficacité opérationnelle de nos capacités de protection, de dissuasion et d’intervention. - Le principe de mutualisation des moyens pour le renseignement
La France entend poursuivre ses efforts afin d’acquérir les capacités de recueil et d’exploitation nécessaires à l’autonomie d’appréciation des situations. Dans le contexte budgétaire contraint et dans un objectif de synergie et d’efficacité collective, une mutualisation accrue des moyens techniques entre les services de renseignement sera recherchée. Elle sera appliquée aussi bien entre les services du ministère de la défense qu’entre ceux des différents ministères. Elle sera suivie par le CNR. - Le renforcement de la gouvernance du renseignement
Le Livre blanc de 2013 conforte le rôle du CNR dans l’animation de la communauté du renseignement, dans la préparation des orientations arrêtées en conseil national du renseignement, dans le suivi des activités et des grands programmes et dans le domaine budgétaire. Une stratégie nationale du renseignement, préparée sous l’égide du CNR, sera arrêtée en conseil national du renseignement ; les grandes lignes en seront rendues publiques. Le rôle du Parlement sera accru, en dotant la délégation parlementaire au renseignement de compétences nouvelles, d’une capacité à suivre l’ensemble de la dépense publique en matière de renseignement, et en lui conférant des compétences renforcées pour exercer sa mission de contrôle de la politique gouvernementale dans ce domaine. - Un effort particulier en faveur du renseignement intérieur
L’évolution des menaces et la prévention d’actes de terrorisme imposent un effort prononcé sur le renseignement intérieur. La direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) sera renforcée, en particulier en ce qui concerne ses moyens humains, et une meilleure coordination sera recherchée entre les services en charge des missions de sécurité nationale. - Un effort d’investissement majeur dans tous les domaines du renseignement
L’effort de modernisation des ressources humaines propres au renseignement sera amplifié.
Au-delà du renseignement d’origine humaine dont l’importance est confirmée, les capacités techniques de recueil, ainsi que de leurs moyens d’exploitation dans les cinq milieux (espace extra-atmosphérique, air, cyberespace, terre et mer) seront améliorées. Pour renforcer notre appréciation autonome des situations, les principaux efforts porteront sur les composantes spatiales et aériennes, aussi bien pour l’imagerie que pour l’interception électromagnétique, et tout particulièrement sur les drones.Les capacités spatiales sont en effet indispensables pour identifier les menaces balistiques potentielles, pour localiser et discriminer les risques des menaces. La coordination entre les projets militaires et les projets institutionnels à utilisation duale (civile et militaire) sera recherchée et la mutualisation à l’échelle européenne privilégiée. La France affiche ainsi sa volonté d’appliquer au renseignement spatial une approche qui reposerait sur des interdépendances mutuelles avec ses alliés Européens ayant des capacités spatiales. Les opérations militaires récentes ont rappelé l’importance des capacités aériennes qui doivent être pérennisées : drones de moyenne altitude et longue endurance, drones tactiques d’observation, avions légers d’observation et nacelles de reconnaissance de nouvelle génération. De même que pour le domaine spatial, la mutualisation de la capacité à déployer et exploiter les drones de surveillance sera proposée à nos partenaires européens. Les moyens consacrés à la cyberdéfense seront renforcés afin d’être mieux en mesure d’identifier l’origine des attaques informatiques et de pouvoir ainsi les contrer.Les moyens de recueil sur les plate-formes terrestres et navales seront également pérennisés.
2d. Stratégie de dissuasion
Le Livre blanc de 2013 consacre plusieurs développements à notre stratégie de dissuasion nucléaire. La répartition de ces développements au-delà du chapitre qui lui est spécifiquement dédié confirme, conformément aux déclarations du Président de la République,que la dissuasion nucléaire demeure un fondement essentiel de notre stratégie de défense et de sécurité nationale.
1.L’importance de la dissuasion dans notre stratégie générale
La dissuasion reste guidée par ses grands principes traditionnels :
• Elle protège en permanence la France de toute agression ou menace d’agression d’origine étatique
dirigée contre ses intérêts vitaux, d’où qu’elle vienne et quelle qu’en soit la forme.
• L’exercice de la dissuasion nucléaire est de la responsabilité du Président de la République.
• L’emploi de l’arme nucléaire ne serait concevable que dans des circonstances extrêmes de légitime
défense.
• À ce titre, la dissuasion, strictement défensive, est la garantie ultime de la sécurité et de l’indépendance
de la Nation.
• Elle repose sur deux composantes : une composante aéroportée et une composante océanique, ainsi que
sur la garantie qu’apporte pour nos armes, sur le long terme, le programme de simulation.
• Le dimensionnement de nos forces nucléaires répond au besoin de crédibilité à long terme dans le
contexte géostratégique prévisible, tout en respectant un principe de stricte suffisance.
2.Les liens entre la dissuasion et les autres fonctions stratégiques
Le lien avec la stratégie d’intervention est réaffirmé :
• Le Livre blanc relève ainsi que la dissuasion écarte toute menace de chantage contre nos intérêts vitaux
qui paralyserait notre liberté de décision et d’action ;
• Inversement, les capacités d’intervention confortent la crédibilité de notre dissuasion.
Le Livre blanc souligne aussi la complémentarité entre les capacités militaires conventionnelles et celles de la dissuasion :
• Certains moyens concourant à la dissuasion (SNA, frégates, avions de chasse, avions ravitailleurs par
exemple) peuvent être utilisés pour les opérations conventionnelles (principe de mutualisation)
• Le maintien d’une force de dissuasion crédible, indépendante et autonome incite en outre à investir dans
des capacités précieuses pour d’autres fonctions stratégiques.
• La dissuasion stimule donc nos efforts de recherche et développement et contribue à l’excellence de
notre industrie de défense.
3.L’inscription de la stratégie de dissuasion dans un cadre international en évolution
• La France a été un élément moteur de la rédaction du concept stratégique de l’OTAN adopté le 20 mai
- Celui-ci réaffirme le rôle des armes nucléaires en tant que garantie suprême de la sécurité et pilier de la doctrine de défense de l’Alliance. Les forces nucléaires stratégiques indépendantes du Royaume Uni et de la France, qui ont un rôle de dissuasion propre, contribuent à la dissuasion globale et à la sécurité des Alliés.
• La France a rappelé à l’occasion du sommet de Chicago le rôle central de la dissuasion nucléaire dans la stratégie de l’Alliance. Elle a souligné que la défense anti-missiles balistiques qui est un moyen de défense contre une menace particulière ne pouvait constituer un substitut à la dissuasion qui est une stratégie.
• Par ailleurs, le Livre blanc réaffirme la volonté de La France d’œuvrer activement en faveur d’un « désarmement général et complet sous un contrôle strict et efficace », et rappelle les mesures prises par la France dans ce sens (fermeture définitive et démantèlement de ses installations de production de matières fissiles à des fins d’armes, indication que son arsenal comprend moins de 300 têtes nucléaires).
2e. La protection, mission première pour la défense et la sécurité nationale
1.Les menaces auxquelles la Nation doit faire face se sont multipliées en se diversifiant
• Le terrorisme, la cybermenace, le crime organisé, la dissémination des armes conventionnelles, la prolifération des armes de destruction massive, les risques de pandémies, les risques technologiques et naturels peuvent affecter gravement la sécurité de la Nation.
• Outre la menace terroriste, le Livre blanc met l’accent sur la menace que constituent les attaques
informatiques visant nos systèmes d’informations.
- La protection au cœur de la stratégie de Défense et de Sécurité nationale
• La protection reste première dans notre stratégie de défense et de sécurité nationale. Il s’agit de garantir l’intégrité du territoire de l’hexagone et des outre-mer, d’assurer aux Français une protection efficace contre l’ensemble des risques et menaces, de préserver la continuité des grandes fonctions vitales de la Nation et de garantir sa résilience.
• La mise en œuvre des mesures de protection peut également concerner le territoire des États de l’Union européenne, en application de la clause de solidarité instituée par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. - Missions et contrats d’engagement des forces de sécurité et des forces armées
• Il incombe aux ministères civils, en coordination avec les collectivités territoriales et les opérateurs publics et privés d’assurer la protection contre les risques et les menaces qui peuvent affecter la vie de nos concitoyens.
• Les armées doivent protéger la Nation contre toute menace de nature militaire :
Elles assurent en permanence la sûreté du territoire, de son espace aérien associé et de ses approches maritimes.
En cas de crise majeure, elles apportent en renfort des forces de sécurité intérieure et de sécurité civile un concours qui pourra impliquer jusqu’à 10 000 hommes des forces terrestres, ainsi que les moyens adaptés des forces navales et aériennes.
Elles peuvent être sollicitées dans la mise en œuvre de certains dispositifs préventifs (Vigipirate, feux de forêt,..).
• Par nature interministérielle, l’action de l’Etat en mer vise à garantir, en mer, la protection des intérêts nationaux, la sauvegarde des personnes et des biens, la lutte contre les activités illicites et la protection de l’environnement.
• Le Livre blanc définit des contrats renouvelés :
- Les postures permanentes de sûreté terrestre, aérienne et maritime seront tenues dans les mêmes conditions qu’aujourd’hui.
- Un contrat général interministériel sera élaboré dès 2013 et fixera les capacités civiles nécessaires aux missions relatives à la sécurité nationale.
- S’agissant de la protection des outre-mer, le dispositif militaire sera dimensionné sur la base d’une analyse rigoureuse des problèmes de sécurité et de défense propres à chaque territoire. Un programme quinquennal d’équipements mutualisés avec les ministères civils sera élaboré dès 2013.
- La cybermenace impose d’augmenter très significativement le niveau de sécurité et les moyens de défense des systèmes d’informations. Un effort important sera conduit pour développer dans le cyberespace nos capacités à détecter les attaques et à riposter de manière adéquate lorsque nos intérêts stratégiques sont menacés.
2f. La prévention
- Préserver nos efforts pour aider les pays fragiles
Visant à éviter l’apparition de foyers de crise, notamment dans notre environnement proche, la politique de prévention de la France a vocation à s’exercer prioritairement en direction des États fragiles, dont la situation a un impact direct sur l’Europe et sur nos outre-mer. C’est donc vers ces pays qu’une part significative de notre aide au développement doit être dirigée. Cette assistance peut aussi comporter, selon les situations, des volets militaire, policier, judiciaire, d’administration civile, etc. - Maintenir une capacité crédible de prévention et de gestion civilo-militaire des crises
La politique de prévention doit être dirigée dans le cadre d’une politique globale qui se traduira par un document cadre explicitant la stratégie interministérielle en matière de prévention et de gestion civilo- militaire des crises, y compris les zones géographiques prioritaires. - Renforcer notre organisation opérationnelle
Le dispositif s’appuiera sur une doctrine opérationnelle et des procédures interministérielles validées et, en amont d’une crise, sur la mise en place auprès du ministère des affaires étrangères, de structures de réponse rapide, composées de représentants des départements ministériels compétents. Pour l’action sur le terrain, les expertises civiles nécessaires seront mobilisées à partir d’un vivier d’experts volontaires qui doit être consolidé, élargi et actualisé. - Améliorer les capacités de gestion globale des crises de l’Union européenne
Cette démarche s’inscrit dans le cadre de nos efforts visant à améliorer les capacités de gestion de crise de l’UE, y compris sur le plan militaire. Il convient d’œuvrer à une meilleure coordination des acteurs institutionnels, des politiques intergouvernementales et communautaires et des instruments de gestion de crises, qu’ils soient civils ou militaires. - Soutenir notre capacité de prévention par notre dispositif prépositionné
Le positionnement de forces militaires dans les pays avec lesquels nous entretenons des liens privilégiés ou dans certaines zones maritimes se situe à la convergence des fonctions stratégiques de prévention, d’intervention et de connaissance et anticipation. Dans cette perspective, la France s’appuiera sur des déploiements navals permanents dans une à deux zones maritimes et sur des moyens pré-positionnés tant sur la base des Emirats Arabes Unis que sur plusieurs implantations en Afrique. S’agissant de l’Afrique, une conversion de ces implantations sera réalisée afin de disposer de capacités réactives et flexibles, à même de s’adapter aux réalités et besoins à venir du continent.
2g. L’intervention : la diversité des engagements de nos forces en opérations extérieures
Nos armées doivent pouvoir répondre de manière ajustée et différenciée à la diversité des menaces et des situations de crise :
- Contre les forces militaires organisées d’un Etat : opérations de coercition
Un objectif politique et militaire très caractérisé : contraindre la volonté politique de l’adversaire, en neutralisant de vive force, par une campagne d’attrition, les sources de sa puissance (appareil militaire, centres de pouvoir, cibles économiques …).
Adversaire : il dispose de capacités organisées, commandées et complémentaires, pouvant reposer sur des systèmes d’armes performants (par exemple sous-marins, systèmes de défense sol-air évolués, missiles, robots ou engins non-pilotés).
Action de nos forces : opérations de durée courte (de quelques semaines à plusieurs mois). La supériorité technologique dans les domaines du renseignement, de la portée, de la puissance, de la précision des armes et de la coordination des feux et de la manœuvre des trois armées sera essentielle pour nous permettre de maîtriser les différents milieux (extra-atmosphérique, aérien, mer, terre, cyberespace). - Face à des situations créées par la fragilité de certains États : opérations de gestion de crise Opérations pouvant prendre des formes diverses : maintien de la paix, interposition, sécurisation des approches d’États fragiles, lutte contre les trafics, la piraterie ou le terrorisme, assistance à un gouvernement, contre-insurrection…
Objectif principal : rétablir et maintenir les conditions de sécurité nécessaires à une vie normale. Dans un processus difficile pouvant donner lieu à des pics de violence, il s’agira de contraindre les adversaires de déposer les armes, plus que de rechercher leur destruction.
Adversaires : de type irréguliers, ils recourent à des modes opératoires asymétriques, caractéristiques notamment des actions de guérilla (attentats-suicides, embuscades, prises d’otages, engins explosifs improvisés, actes de piraterie…). Le plus souvent non étatiques, ils disposent de forces plus ou moins bien organisées et coordonnées et d’un armement principalement rustique. Ils chercheront à entraîner nos forces sur des terrains qui sont, pour elles, défavorables (par exemples zones urbaines, littorales ou au contraire désertiques ou montagneuses).
Action de nos forces : engagement dans la durée (de quelques mois à quelques années). Les opérations de gestion de crise impliquent la sécurisation et le contrôle de vastes espaces terrestres, aériens et maritimes et le cas échéant l’emploi de la force, ce qui requiert un volume de forces suffisant.
Dans des situations intermédiaires ou transitoires, nos forces devront également s’adapter à l’émergence de « menaces hybrides », avec des adversaires combinant des modes d’action asymétriques, des moyens de niveau étatique ou des capacités de haut niveau technologique, acquis ou dérobés. Nos forces devront alors être capables d’engager aussi bien des moyens permettant de mener des actions de coercition et d’attrition localisées, que des capacités répondant à des missions de sécurisation et à un impératif de contrôle de vastes espaces
2h. La gestion civilo-militaire des crises extérieures
- Une capacité crédible de prévention et de gestion civilo-militaire des crises s’impose dans la stratégie de défense et de sécurité nationale.
La défaillance de certains Etats à exercer les fonctions essentielles de la souveraineté crée des risques pour la sécurité des Français et des Européens. Le rétablissement de leur stabilité requiert une approche globale interministérielle et multilatérale.
Les crises récentes ont montré que les capacités civiles françaises sont encore insuffisantes. Les conditions d’une mobilisation efficace et coordonnée des ministères compétents n’ont pas été créées. La stratégie interministérielle doit être relancée. - Axes d’action civilo-militaire : prévention et gestion des crises
La politique interministérielle de prévention de la France s’exerce prioritairement en direction des États fragiles dont la situation a un impact direct sur l’Europe et sur nos outre-mer. Parmi ses outils figurent la coopération de défense et de sécurité, l’assistance à des armées étrangères et le dispositif des forces prépositionnées et des déploiements maritimes permanents.
Dans le cadre d’opérations de gestion de crise, les forces armées d’intervention doivent être, au plus tôt, complétées par le déploiement de capacités civiles spécialisées. - L’organisation du dispositif français
Au niveau stratégique, les priorités géographiques – en particulier en termes de veille, d’anticipation et de prévention – seront déterminées et régulièrement actualisées par le comité de pilotage de la gestion civilo-militaire des crises.
Au niveau opérationnel, le dispositif devra pouvoir s’appuyer sur une doctrine opérationnelle et des procédures interministérielles, impliquant la mise à disposition, auprès du ministère des affaires étrangères, de représentants des différents départements ministériels compétents. - Des capacités civiles à la hauteur de nos ambitions : une démarche volontariste
Le renforcement de l’action civile sur le terrain implique une mobilisation rapide des expertises civiles, notamment dans les spécialités critiques (douanes, magistrature, etc.).
Un effort doit être réalisé dans le domaine de la formation des agents aux opérations civiles de gestion de crise, de la simplification des procédures administratives et de l’adaptation du statut des agents déployés. - La démarche interministérielle française doit s’inscrire dans le cadre de nos efforts visant à améliorer les capacités de gestion de crise de l’Union Européenne
Malgré les progrès réalisés depuis le traité de Lisbonne, La France estime qu’il est encore nécessaire d’œuvrer pour une meilleure coordination des acteurs, des politiques et des instruments de gestion de crise.
La France souhaite parvenir à un meilleur équilibre entre les volets civils et militaires des capacités de planification stratégique et de conduite des opérations de l’Union européenne; en particulier, le Comité militaire, soutenu par les travaux de l’État-Major de l’Union, doit rester une force de proposition sur la contribution militaire à l’approche globale.
2i. Une nouvelle donne stratégique : la cyberdéfense
La probabilité d’une attaque informatique majeure sur les infrastructures et les réseaux numériques s’est renforcée depuis le précédent Livre blanc. Le cyberespace est devenu un champ de confrontation à part entière ; le Livre blanc de 2013 décide d’un effort marqué dans le développement des capacités de cyberdéfense.
- Une dépendance accrue de la Nation aux systèmes d’information
L’interconnexion des systèmes d’information est désormais une donnée constitutive de notre société. Elle est une source de vulnérabilités nouvelles puisque le développement rapide des infrastructures numériques ne s’est pas toujours accompagné d’un effort parallèle de protection. Les atteintes aux systèmes d’information résultant d’actes hostiles intentionnels ou de ruptures accidentelles pourraient dès lors engendrer des dysfonctionnements, une paralysie de l’Etat ou de secteurs d’importance vitale pour la Nation, voire entrainer la perte de vies humaines ou des accidents technologiques ou écologiques majeurs. - Les cyberattaques constituent, dès aujourd’hui, et plus encore à l’horizon du Livre blanc, une menace majeure, à forte probabilité et à fort impact potentiel.
Une attaque informatique de grande envergure pourrait ainsi constituer un véritable acte de guerre. La furtivité des cyberattaques complique l’identification de leur origine qui peut être criminelle ou étatique. Relèvent de la sécurité nationale les tentatives de pénétration de réseaux numériques à des fins d’espionnage, voire des attaques visant la destruction ou la prise de contrôle à distance des infrastructures d’importance vitale, les systèmes de gestion automatisés d’outils industriels potentiellement dangereux, voire des systèmes d’armes et des capacités militaires stratégiques. - Une doctrine nationale de réponse aux agressions informatiques majeures
Une politique de sécurité ambitieuse sera ainsi mise en œuvre afin d’identifier l’origine des attaques, d’évaluer les capacités offensives des adversaires potentiels et l’architecture de leurs systèmes, et de pouvoir ainsi les contrer.Le principe d’une approche globale sera fondé sur deux volets complémentaires
:la mise en place d’une posture robuste et résiliente de protection des systèmes d’information de l’État,une capacité de réponse gouvernementale globale et ajustée face à des agressions de nature et d’ampleur variées faisant en premier lieu appel à l’ensemble des moyens diplomatiques, juridiques ou policiers, sans s’interdire l’emploi gradué de moyens relevant du ministère de la défense, si les intérêts stratégiques nationaux étaient menacés. Une capacité informatique offensive, associée à une capacité de renseignement, concourt ainsi de façon significative à la posture de cybersécurité. - Un effort marqué dans le développement des capacités de cyberdéfense
Afin d’augmenter le niveau de sécurité des systèmes d’information de l’Etat et des opérateurs d’importance vitale, le Livre blanc 2013 indique que des mesures législatives et réglementaires seront prises. La capacité à agir en cas de crise informatique grave de l’agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI), autorité nationale de sécurité et de défense des systèmes d’information rattachée au secrétaire général de la défense nationale (SGDSN), sera renforcée.
Plusieurs axes d’effort, coordonnés par le SGDSN, sont également identifiés :
Le renforcement des moyens humains consacrés à la cyberdéfense, à la hauteur des efforts consentis par nos principaux partenaires européens, le soutien par l’Etat de compétences scientifiques et technologiques performantes dans le domaine cyber, la capacité à produire en toute autonomie nos dispositifs de sécurité, notamment en matière de cryptologie et de détection d’attaque, comme composante essentielle de la souveraineté nationale, le développement de relations étroites entre partenaires internationaux de confiance. En ce qui concerne le ministère de la défense, le nouveau modèle d’armée implique de développer des capacités de cyberdéfense militaire, en relation étroite avec le domaine du renseignement. La France développera sa posture sur la base d’une organisation de cyberdéfense intégrée aux forces, disposant de capacités défensives et offensives pour préparer ou accompagner les opérations militaires.
L’organisation opérationnelle des armées intègrera ainsi une chaîne opérationnelle de défense :
Unifiée pour tenir compte de l’affaiblissement de la notion de frontière dans cet espace ;
Centralisée à partir du centre de planification et de conduite des opérations de l’État-major des armées, pour garantir une vision globale d’entrée et une mobilisation rapide des moyens nécessaires ; Spécialisée car demandant des compétences et des comportements adaptés.
Un effort tout particulier sera entrepris pour que des réserves, opérationnelles et citoyennes, viennent renforcer nos capacités de cyberdéfense. L’implication de ces réserves constitue un atout majeur au service de la résilience de la Nation.
2j. Les nouveaux contrats opérationnels
Le contrat opérationnel découle de l’analyse de notre environnement et des menaces. Il identifie les opérations majeures dans lesquelles nous pourrions être impliqués, les postures permanentes à tenir, les opérations de gestion de crises potentielles liées à la fragilité des Etats et aux menaces issues de la mondialisation. Il vise à répondre à la fois au défi stratégique du niveau élevé des menaces, au défi économique du redressement de nos finances publiques et au défi politique des responsabilités que nous devons pouvoir continuer à assumer sur la scène internationale. Ainsi nos forces devront remplir des missions permanentes et des missions non-permanentes.
- Des missions permanentes.
La dissuasion continuera de s’appuyer sur la posture permanente des deux composantes, océanique et aéroportée.
Dans le cadre de la fonction stratégique protection, les postures permanentes de sûreté terrestre, aérienne et maritime seront tenues dans les mêmes conditions qu’aujourd’hui. Les forces terrestres pourront engager jusqu’à 10 000 h. en renfort des forces de sécurité intérieure, renforcés des éléments aériens et maritimes adaptés. Cette posture sera complétée par le dispositif de cyberdéfense, qui est appelé à s’amplifier dans les années qui viennent.
La prévention : le modèle d’armée permettra un déploiement naval permanent dans une à deux zones maritimes ainsi que le recours à la base des Emirats Arabes Unis et au pré-positionnement sur plusieurs implantations en Afrique.
Connaissance et anticipation : des capacités de veille stratégique, de maîtrise de l’information et des moyens de surveillance et d’interception électromagnétique renforcés assureront la permanence de cette fonction stratégique (via notamment un ensemble de satellites, de drones, d’aéronefs de surveillance, d’unités navales ou terrestres et de charges utiles spécifiques adaptées aux différents moyens des armées…).
Une capacité de réaction autonome aux crises : la France disposera d’un échelon national d’urgence de
5 000 hommes en alerte, permettant de constituer une force interarmées de réaction immédiate (FIRI) de 2 300 hommes, projetable à 3 000 km du territoire national ou d’une implantation à l’étranger, dans un délai de 7 jours. Avant ce délai de 7 jours, la France reste capable de mener une action immédiate par moyens aériens. - Des missions non permanentes d’intervention à l’extérieur de nos frontières.
Pour des opérations de gestion de crise : dans la durée sur deux ou trois théâtres distincts dont un en tant que contributeur majeur.
Le total des forces engagées à ce titre sur l’ensemble des théâtres sera constitué, avec les moyens de commandement et de soutien associés :
• de forces spéciales et d’un soutien nécessaire à l’accomplissement des missions envisagées ;
• de l’équivalent d’une brigade interarmes représentant 6 000 à 7 000 hommes des forces terrestres, équipés principalement avec des engins blindés à roues, des chars médians, des moyens d’appui feu et d’organisation du terrain, des hélicoptères d’attaque et de manœuvre ;
• d’une frégate, d’un groupe bâtiment de projection et de commandement et d’un sous-marin nucléaire
d’attaque en fonction des circonstances ;
• d’une douzaine d’avions de chasse, répartis sur les théâtres d’engagement.
La nature des opérations ou leur sécurisation pourra rendre nécessaire l’utilisation de moyens supplémentaires permettant des frappes à distance à partir de plateformes aériennes ou navales.
Dans une opération de coercition majeure :
- Les armées devront être capables de mener en coalition, sur un théâtre d’engagement unique, une opération majeure à dominante de coercition, dans un contexte de combats de haute intensité. Cet engagement, d’une durée limitée, suppose un préavis suffisant (évalué aujourd’hui à environ 6 mois) ainsi que la réarticulation de notre dispositif dans les opérations en cours.
- Les armées pourront assumer tout ou partie du commandement de l’opération. La participation française à cette opération se fondera sur l’engagement d’une force interarmées, disposant d’une capacité d’appréciation autonome de situation, de la supériorité informationnelle, d’une capacité de ciblage et de frappes dans la profondeur. A ce titre, les forces françaises conserveront la capacité de participer à une opération d’entrée en premier sur un théâtre de guerre dans les trois milieux (terrestre, naval et aérien).
La France pourra engager dans ce cadre, avec les moyens de commandement et de soutien associés
• des forces spéciales ;
• jusqu’à deux brigades interarmes représentant environ 15 000 hommes des forces terrestres, susceptibles
d’être renforcées par des brigades alliées pour constituer une division de type OTAN, dont la France pourra assurer le commandement ;
• jusqu’à 45 avions de chasse incluant les avions de l’aéronautique navale ;
• le porte-avions, 2 bâtiments de projection et de commandement, un noyau clé national d’accompagnement à base de frégates, d’un sous-marin nucléaire d’attaque et d’avions de patrouille maritime ; la permanence de cette capacité aéronavale s’inscrira dans le cadre de la force intégrée franco-britannique prévue par les accords de Lancaster House ;
•les moyens permettant d’assurer les fonctions de commandement, de renseignement et de logistique
de l’opération (transport, santé, essence, munitions, stocks de rechange).
À l’issue de cet engagement, la France gardera la capacité à déployer une force interarmées pouvant participer à une opération de gestion de crise dans la durée.
2k. L’évolution des forces : le nouveau modèle d’armée
- Les capacités de commandement et de contrôle des armées françaises
Elles permettront de planifier et de conduire des opérations autonomes ou en tant que nation-cadre d’une opération multinationale. Plus particulièrement, dans le cadre d’un engagement majeur, par exemple au sein de l’OTAN, les armées conserveront notamment de commander des composantes terrestre, maritime et aérienne du niveau d’un corps d’armée ou équivalent. - Les capacités de renseignement, de traitement de l’information et de communication de ce renseignement
Elles seront développées de façon prioritaire ; cela se traduira par un effort accru de modernisation des ressources humaines propres au renseignement ainsi que par un renfort de nos capacités d’appréciation autonome des situations, aussi bien pour l’imagerie que pour l’interception électromagnétique (Capacité de renseignement électromagnétique spatiale, CERES, et composante optique du système d’imagerie spatiale MUSIS, drones de surveillance et d’observation, aéronefs spécialisés). - Les capacités de cyberdéfense militaire
Elles feront l’objet d’un effort marqué, en relation étroite avec le domaine du renseignement, sur la base d’une organisation de cyberdéfense étroitement intégrée aux forces, disposant de capacités défensives et offensives pour préparer ou accompagner les opérations militaires. - Les forces spéciales
Elles se sont imposées comme une capacité de premier plan dans toutes les opérations récentes. Elles sont particulièrement adaptées aux besoins accrus de réaction dans l’urgence, en souplesse et dans la profondeur d’un dispositif hostile ou complexe. Leurs effectifs et leurs moyens de commandement seront renforcés, comme leur capacité à se coordonner avec les services de renseignement. La dimension interarmées du commandement des opérations spéciales (COS) sera confortée. - Répondant au principe de différenciation, les trois armées sont constituées des capacités principales suivantes :
Les forces terrestres seront articulées en particulier en deux brigades aptes à l’entrée en premier et au combat de coercition face à un adversaire équipé de moyens lourds, trois brigades multi rôles prioritairement équipées et entraînées pour la gestion de crise et trois brigades légères ; elles comportent également des unités d’appui et de soutien opérationnel :
• de l’ordre de 66 000 hommes projetables,
• 7 brigades interarmes : 2 aptes au combat de coercition – 3 brigades multirôles – 2 brigades
légères
• 200 chars lourds, 250 chars médians,
• 2700 véhicules blindés multirôles et de combat
• 140 hélicoptères de reconnaissance et d’attaque
• 115 hélicoptères de manœuvre
• une trentaine de drones tactiques.
Les forces navales, outre la mise en œuvre de la force océanique stratégique et de la force aéronavale nucléaire, reposeront d’une part sur des capacités de combat de premier plan, polyvalentes, mobiles, protégées, disposant de feux précis et puissants, pour les opérations de haute intensité et de gestion de crise majeure (porte-avions, SNA, BPC, frégates de défense aérienne, frégates multi-missions), complétées par des unités de combat moins puissantes permettant de ne pas user prématurément le potentiel des forces lourdes et de préserver un nombre suffisant de moyens, facteur indispensable de la présence en mer (Frégates type La Fayette adaptées avec sonar notamment), enfin sur des unités légères aptes au contrôle des espaces maritimes, dans nos approches et outre-mer (frégates de surveillance, patrouilleurs …):
• 4 SNLE ;
• 6 SNA ;
•1 porte-avions ;
•15 frégates de premier rang ;
• une quinzaine de patrouilleurs ;
• 6 frégates de surveillance ;
• 3 Bâtiments de projection et de commandement ;
• des avions de patrouille maritime ;
• une capacité de guerre des mines apte à la protection de nos approches et à la projection en opération extérieure.
Les forces aériennes, outre la mise en œuvre de la composante aéroportée de la dissuasion, disposeront des capacités d’entrée en premier, d’appréciation de situation, de frappe dans la profondeur et d’appui de la manœuvre terrestre adaptées à un conflit majeur, grâce à des flottes d’avions polyvalents du meilleur niveau. Elles conserveront par ailleurs un nombre d’aéronefs suffisants, en prolongeant des avions plus anciens mais de haut niveau et spécialisés, notamment pour remplir les missions de gestion de crises ou de protection de l’espace aérien national et de ses approches :
• 225 avions de chasse (air et marine) ;
• une cinquantaine d’avions de transport tactique,
• 7 avions de détection et de surveillance aérienne (4 Awacs et 3 E2C marine),
• 12 avions ravitailleurs multirôles ;
• 12 drones de surveillance de théâtre ;
• des avions légers de surveillance et de reconnaissance ;
• 8 systèmes sol-air moyenne portée.
- La gendarmerie nationale
Force armée relevant du ministère de l’Intérieur et employée quotidiennement dans des missions de sécurité intérieure, elle représente un atout majeur grâce à son organisation militaire, au statut militaire de ses personnels, à son maillage territorial, à sa réserve opérationnelle et à ses forces de gendarmerie mobile. Elle mettra en œuvre des capacités pivots – hélicoptères, véhicules blindés de maintien de l’ordre, réseau national durci de transmission – qui s’inscriront en complémentarité des moyens des armées. Elle continuera également d’apporter un appui essentiel aux armées par les gendarmeries spécialisées, – gendarmerie maritime, de l’air, de l’armement, de la sécurité des armements nucléaire -), par la prévôté et son engagement constant en opération extérieure. - Les organismes interarmées
Indissociables des forces armées, ils en conditionnent l’efficacité, sur les théâtres d’opération comme sur le territoire national. C’est le cas, entre autres, du service de santé des armées, du Service des Essences, de la Direction Interarmées des Réseaux d’infrastructure et des Systèmes d’Information, du service du commissariat des armées, des services de soutien…
Plus particulièrement, le Service de santé des armées, acteur déterminant de l’engagement opérationnel des forces, sera en mesure de mettre en œuvre un dispositif sanitaire de veille opérationnelle composé d’un ensemble de modules d’intervention projetables avec une forte réactivité, pour tous les types de missions des forces et pour la protection des populations sur le territoire. Ce rôle sera consolidé par une réforme ambitieuse visant de nouvelles synergies et une meilleure articulation avec le service public de santé.
2l. Les réserves : une composante à part entière du nouveau modèle d’armée
Les réserves sont partie intégrante du nouvel modèle d’armée issu du Livre blanc. Sans elles, les forces de défense et de sécurité ne sont pas en mesure de remplir l’ensemble de leurs missions, en particulier en cas de crise sur le territoire national. Elles constituent un atout majeur au service de la résilience de la Nation.
- Entretenir l’esprit de défense et renforcer le lien entre l’armée et la Nation
Le nouveau Livre blanc marque une volonté forte de promouvoir l’esprit de défense et renforcer le lien entre la Nation et son armée. Un volet majeur de cette action passe par une réserve majoritairement issue de la société civile. Le lien qu’intrinsèquement, elle crée entre le monde civil et le monde de la défense, constitue un vecteur fort de cohésion nationale.
Dans cette perspective, l’information sur le rôle et l’importance des réserves sera développée au sein de la société française, tout particulièrement auprès des jeunes.
La réserve militaire se structure autour de deux composantes :
• Une réserve opérationnelle constituée de deux catégories :
- la réserve opérationnelle d’engagement composée de volontaires (civils ou anciens militaires) amenés à servir entre 20 jours et 120 jours par an en opérations extérieures ou sur le territoire national,
- la réserve opérationnelle de disponibilité composée uniquement d’anciens militaires soumis à une obligation de disponibilité pendant 5 années suivant leur départ des forces d’active. Cette force sera mobilisable uniquement en cas de crise grave.
• Une réserve citoyenne, composée de volontaires bénévoles, agréés à titre temporaire par l’autorité militaire en raison de leurs compétences, de leur expérience ou de leur intérêt pour les questions relevant de la défense nationale.
- Adapter la réserve opérationnelle aux enjeux de sécurité et améliorer le partenariat avec la société civile
• La réserve opérationnelle doit être constituée d’hommes et de femmes volontaires, engagés et formés. C’est pourquoi il convient d’attirer en priorité des femmes et des hommes disposés à y servir au minimum vingt jours par an et pendant plusieurs années.
• Dans cette perspective, les procédures administratives seront adaptées et simplifiées pour faciliter le recrutement des réservistes au sein de la société civile et renforcer leur fidélisation. Un effort particulier de communication sera fait vers le monde des entreprises afin de développer leur adhésion au principe de la réserve et leur soutien aux salariés réservistes.
• Des actions spécifiques seront mises en œuvre pour renforcer le soutien qu’apporte la réserve opérationnelle aux forces de défense et de sécurité dans les domaines déficitaires tels que la cybersécurité. Les autorités chargées de la cybersécurité, en particulier le ministère de la défense, doivent pouvoir disposer grâce à cette réserve, d’une capacité de cyberdéfense démultipliée en cas d’attaque informatique majeure. - Dynamiser la réserve citoyenne
• Le développement de la réserve citoyenne sera encouragé pour promouvoir l’esprit de défense dans le monde civil. Sélectionnés pour leurs compétences, leurs réseaux, leur savoir-être et leur motivation, les réservistes citoyens permettront à la défense de disposer d’un réseau de volontaires bénévoles qui contribuent à renforcer la symbiose entre la Nation et son armée.
• Ces relais sont essentiels pour l’adhésion de la Nation aux enjeux de défense, le recrutement, la reconnaissance, le soutien à l’action des forces armées, ainsi que la capacité de résilience de la Nation face à une crise grave ou un conflit majeur.
• Un effort tout particulier sera réalisé pour dynamiser cette réserve et développer notamment des réseaux d’experts. Ainsi, compte tenu des enjeux multiples et croissants dans ce domaine, une réserve citoyenne sera particulièrement organisée et développée pour la cyberdéfense. L’objectif sera notamment de mobiliser au travers de la réserve citoyenne des jeunes techniciens et informaticiens intéressés par les enjeux de sécurité.
• L’accent sera en outre mis sur le développement du réseau des réservistes locaux à la jeunesse et à la citoyenneté (RLJC) , qui joue un rôle reconnu au niveau interministériel, pour décliner le plan d’égalité des chances du ministère de la défense dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et les zones rurales défavorisées. - Vers la prochaine programmation militaire 2014-2019
3a. Les ressources financières du nouveau modèle d’armée
Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale met fin à l’écart qui s’était creusé entre les prévisions de la loi de programmation militaire (LPM) 2009-2014 et les perspectives financières. Il prévoit d’affecter, entre 2014 et 2025, 364 Md€2013 à la mission « Défense », soit un effort substantiel dans le contexte actuel des finances publiques.
- Une nouvelle cohérence physico-financière
L’écart constaté entre la LPM 2009-2014 et les ressources budgétaires et exceptionnelles mises à disposition est de 3 Md€ sur les quatre premières années , comme l’a relevé la Cour des Comptes ; cet écart risquait de s’accroître de façon rapide et très considérable dans les projections budgétaires des années à venir.
Des difficultés ont été rencontrées pour tenir le contrat opérationnel tel qu’il avait été défini en 2008 ; elles ont été exposées dès 2011 par les responsables militaires. Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 rétablit la cohérence nécessaire entre les objectifs et les moyens. - Un effort financier de la Nation de 364 Md€
L’effort en faveur de la défense de la France s’établira, hors pensions, à 364 Md€2013 sur la période 2014-
2025, dont 179,2 Md€2013 sur la durée de la prochaine loi de programmation militaire 2014-2019. Les ressources financières de la mission « Défense » associeront, comme depuis 2009, des crédits budgétaires et des recettes exceptionnelles issues de cessions d’actifs de l’État, notamment immobiliers.
Ce financement est cohérent avec le modèle d’armée permettant de répondre aux besoins de la stratégie de défense et de sécurité nationale. Il s’agit d’un effort de la Nation très important, alors que le Gouvernement s’est engagé à restaurer l’équilibre des comptes publics en 2017.
La mission « Défense » bénéficiera, dès 2014, de 31,4 Md€, toutes ressources confondues , soit le même montant qu’en lois de finances initiales pour 2012 et 2013. Cette stabilité en valeur permettra de maintenir en 2014 l’effort de défense à 1,5 % du produit intérieur brut (PIB) hors pension et hors gendarmerie. En norme OTAN , la part de la Défense dans le PIB est de 1,9% et sera en moyenne de 1,76% entre 2014 et
2019. - La préservation de l’outil de défense
Le Président de la République a annoncé, le 28 mars dernier, un effort spécifique pour la défense, notamment par le maintien en 2014 du niveau total de ressources alloué en 2013.
Ces ressources permettront de préserver un outil de défense complet, en s’appuyant sur des réformes qui seront mises en œuvre au cours de la prochaine loi de programmation militaire.
La Défense reste le premier budget d’investissement de l’État avec plus de 16 Md€ de dépenses d’équipement prévues en 2014.
Alors que la loi de programmation militaire 2009-2014 prévoyait 128,8 Md€ de ressources budgétaires et exceptionnelles sur les quatre premières années, la mission « Défense » n’a obtenu que 125,8 Md€.
Hors fonds de concours et attributions de produit.
Hors pensions, hors fonds de concours et attributions de produit.
Avec pensions et la part des crédits de gendarmerie correspondant à la Défense
3b. Les hommes et les femmes de la Défense et de la Sécurité nationale
- Le Livre blanc porte l’hommage de la nation aux hommes et aux femmes qui se sont mis au service de la Défense et de Sécurité nationale
Le personnel civil et le personnel militaire constituent les deux pivots garantissant la cohérence de notre système de défense. Le Livre blanc rappelle que ces hommes et ces femmes ont choisi de servir leur pays. Pour les militaires, cela impose disponibilité, discipline, loyauté et esprit de sacrifice ; la spécificité de cet engagement justifie qu’ils bénéficient de la reconnaissance de la Nation et d’un statut protecteur qu’il convient de préserver tout en l’adaptant aux évolutions de la société. - Une cohérence plus forte entre les obligations des hommes et des femmes de la Sécurité nationale et la vie de la cité
Une citoyenneté pleine et entière : les femmes et hommes de la défense et de la sécurité nationale, qu’ils soient civils ou militaires, doivent pouvoir jouer pleinement, en tant que citoyens, un rôle dans la vie de la cité, en particulier par le biais de la liberté d’expression. Ces droits et ces devoirs s’exercent, pour les militaires, dans le respect de la préservation de la neutralité des forces armées, qui doivent demeurer en dehors de tout débat partisan.
Une adaptation à la vie de la cité : les ministères de la Défense et de l’Intérieur devront continuer à prendre en compte certaines contraintes personnelles majeures et à faciliter la conciliation entre la vie professionnelle militaire et la vie privée : travail du conjoint, scolarisation des enfants, accession à la propriété.
Une concertation rénovée :
• Dans le cadre de la réforme du dialogue interne voulue par le Gouvernement, le rôle des instances de concertation sera renforcé.
• De nouveaux instruments seront mis en œuvre : groupe permanent de liaison avec le ministre pour la concertation militaire, mise en œuvre des accords de Bercy et poursuite de l’agenda social dans le cadre d’un dialogue nourri et respectueux avec les personnels civils.
• La création d’outils d’expression coopératifs et participatifs en ligne sera favorisée. - La prise en compte de la déflation des effectifs
Le Livre blanc de 2008 avait prévu de réaliser entre 2009 et 2015 une réduction des effectifs du ministère de la Défense d’environ 55.000 hommes. Le départ programmé de plus de 10.000 hommes et femmes sur les années 2014 et 2015 permettra d’atteindre cet objectif. Au titre du Livre blanc de 2013, une réduction supplémentaire portera environ 24 000 postes au titre des nouveaux contrats opérationnels et des mesures de rationalisations de l’organisation et de l’administration du ministère de la Défense. Au total, entre 2014 et 2019, le ministère devra donc réduire ses effectifs de 34 000 personnes. - Les éléments d’une gestion des ressources humaines rénovée
Dans ce contexte, la gestion des ressources humaines devra tout à la fois assurer l’adéquation des ressources aux exigences du service (jeunesse, compétence, recrutement, formation, disponibilité, promotion sociale, attractivité, sélection, fidélisation) et garantir les droits individuels (lisibilité de carrière, parcours professionnels, accompagnement, respect des règles statutaires, performance de la reconversion).
Cela se fera par une nouvelle politique de ressources humaines qui visera à :
• Tirer un meilleur parti de la complémentarité et des richesses respectives des personnels civils et
militaires au sein du ministère de la Défense ;
• Définir de nouveaux équilibres entre personnels sous contrat et personnel de carrière ;
• Elaborer de nouveaux leviers de gestion pour accompagner les évolutions du ministère (reconversion, mesures
incitatives et financières d’accompagnement des départs, meilleure lisibilité des carrières).
• Faire prévaloir la logique des compétences sur la logique des statuts
• Réaliser une gestion rigoureuse des effectifs et de la masse salariale dans le respect des hommes et des femmes, dans l’équité et dans la transparence, et en engageant pleinement le ministère de la Défense dans l’action gouvernementale vers la maitrise des dépenses publiques - Les moyens d’un lien plus étroit entre la société son armée
Une réserve rénovée : la réserve militaire est constituée de la réserve opérationnelle, qui contribue quotidiennement à la réalisation des missions des forces armées, et de la réserve citoyenne. Cette dernière restera destinée notamment à renforcer la capacité de cybersécurité du pays, à promouvoir l’esprit de défense et diffuser la connaissance des armées dans le monde civil.
le développement de l’esprit de défense : les trinômes académiques et le réseau des correspondants défense seront valorisés et la journée défense et citoyenneté (JDC) sera modernisée ; le protocole éducation nationale – défense sera rénové ; le Livre blanc prévoit un effort en direction des futures élites par un cursus de formation comprenant un enseignement sur la stratégie de défense et de sécurité nationale et un développement de la politique de mémoire.
3c. L’impératif industriel
- Le Livre blanc reconnaît l’industrie de défense comme une composante essentielle de l’autonomie stratégique de la France.
Elle permet de couvrir tous les secteurs concourants à un outil de défense cohérent : aéronautique de combat, avions de transport, hélicoptères, combat naval et lutte sous la mer, sous-marins et propulsion nucléaire, systèmes terrestres et munitions, missiles et bombes, renseignement et surveillance, communication et réseaux, armements nucléaires etc…
Elle garantit la sécurité des approvisionnements les plus critiques pour nos armées.
Elle garantit notre capacité à entretenir de manière autonome les équipements en service ; le Livre blanc fixe à cet égard des objectifs d’efficience accrue au maintien en condition des matériels.
Le maintien d’un volume significatif de crédits publics est stratégique pour préserver les compétences indispensables dans les secteurs clés identifiés et suivis par le ministère de la Défense. - Le Livre blanc affirme le rôle moteur de l’industrie de défense pour la compétitivité de l’économie française et l’emploi industriel.
Elle concerne 4 000 entreprises, près de 15 milliards d’euros de chiffre d’affaire, et emploie environ
165 000 personnes (dont 20 000 hautement qualifiés);
Elle entretient un tissu très important de PME/PMI, qui bénéficient de la commande publique, et sont soutenues à l’exportation et dans leurs relations avec les grands groupes.
Elle est un acteur du développement de nos régions.
Placée parmi les leaders mondiaux, elle exporte entre 25% et 40% de sa production, selon les années, et contribue ainsi de façon positive à la balance commerciale de notre pays.
Avec un niveau très élevé d’investissement dans la recherche et le développement, elle est un vecteur de notre compétitivité technologique, y compris au profit du secteur civil.
Cette priorité se traduit aussi dans le niveau accordé aux études et recherches qui conditionnent l’avenir : ce financement sera maintenu au niveau actuel tout au long de la période 2014-2025.
L’Etat utilisera en outre tous ses moyens, comme actionnaire, comme client et comme prescripteur pour faciliter les évolutions nécessaires tout en veillant à ses intérêts économiques et stratégiques, notamment les restructurations industrielles qui permettront d’adapter l’industrie de défense à la concurrence internationale accrue et à la réduction des budgets en Europe. - Le Livre blanc place l’industrie de défense au rang d’instrument majeur sur la scène internationale
Il réaffirme l’importance de la politique d’exportation d’armements dans la politique de défense et de sécurité afin, notamment, de préserver les savoir-faire essentiels à notre sécurité et lutter contre la prolifération. Cette politique volontariste, sera accompagnée d’un soutien résolu de l’Etat aux entreprises (y compris les PME) dans le domaine des exportations, dans le respect de nos engagements en matière de contrôle. Elle favorisera à ce titre des partenariats avec les principaux clients.
La dimension européenne de la stratégie du gouvernement comprendra un volet industriel essentiel. La
France prendra des initiatives à ce titre dans le cadre de la préparation du Conseil européen de décembre - Elle veillera à la mise en place de cadres communs pour le soutien des capacités technologiques et industrielles partagées, en s’appuyant notamment sur l’expérience franco-britannique dans le domaine des missiles, fondée sur un principe d’interdépendances librement consenties.
Le Livre blanc consolide les objectifs et les principes de coopération dans les programmes :
• le partage des activités de développement et de production doit désormais être organisé selon un strict
principe d’efficacité industrielle et de performance économique ;
• les potentialités de l’Agence européenne de défense (AED) et de l’Organisation conjointe de coopération
en matière d’armement (OCCAR) doivent être exploitées ;
• la France veillera à ce que l’industrie européenne joue tout son rôle s’agissant des initiatives de l’OTAN
en matière d’acquisition.
3d. Les principaux programmes attachés au modèle d’armée
- L’aéronautique de combat
La montée en puissance de la flotte Rafale, avion polyvalent ayant démontré ses performances opéra- tionnelles lors des conflits récents, sera poursuivie aussi bien sur le plan quantitatif que qualitatif, avec les travaux d’étude permettant l’intégration de missiles air-air longue portée Meteor et de pods de dési- gnation laser de nouvelle génération (PDL NG). Les Mirage 2000 les plus récents (Mirage 2000D) feront l’objet d’une rénovation.
Par ailleurs, les travaux d’études, initiés avec le démonstrateur de drone de combat NEURON, seront poursuivis dans la perspective de déboucher, au-delà de 2020, sur un programme permettant de renou- veler l’aviation de combat. - L’aviation de transport
Les avions de transport A400M, développés entre 7 pays et dont les premières livraisons sont attendues cette année, viendront renforcer progressivement les capacités de l’armée de l’air française dans les domaines du transport tactique et stratégique.
Le programme MRTT (Multi-Role Transport Tanker) sera lancé à partir de 2014 pour assurer le remplace- ment des avions ravitailleurs actuels C-135 FR et KC-135 R par des Airbus A330 MRTT dont la polyvalence permettra également de remplacer les avions de transport stratégiques actuellement utilisés (A310 et A340). - Les hélicoptères
Le renouvellement de la flotte d’hélicoptères sera poursuivi avec des livraisons de Tigre et de NH90.
Le Tigre est un hélicoptère multi-rôle apportant un appui feu de jour et de nuit contre les objectifs ter- restres (dont les chars) et aériens, et permettant l’escorte armée au profit des hélicoptères de manœuvre. L’hélicoptère NH90 dans sa version « terrestre » permet le transport tactique de 14 à 20 commandos, et dans sa version « marine » permet la lutte sur mer contre les menaces maritimes et sous-marines. - Les missiles et les bombes
Le besoin de renouvellement des capacités opérationnelles conduit à lancer de nouveaux programmes, ce qui garantit le maintien de l’autonomie de la France dans ce domaine.
• ANL : missile anti-navire léger développé en coopération avec les Britanniques.
• MMP : missiles sol-sol moyenne portée pour combattants terrestres qui prendront la succession du
MILAN.
• FSAF ASTER 30 B1NT : évolution du missile ASTER 30 surface-air de défense de zone ou d’un déploie- ment, afin d’en améliorer les performances pour faire face à l’évolution des menaces.
• RMV SCALP : rénovation des missiles de croisière aéroportés SCALP afin d’en garantir la pérennité
jusqu’à l’horizon 2030.
• Successeur MICA : missile air-air permettant l’armement des avions de combat pour la maîtrise de
l’espace aérien.
• Par ailleurs les prochaines années verront la poursuite de la production des missiles anti-navires Exo- cet et des missiles de croisière navals MDCN tirés depuis frégates ou sous-marins. - Les sous-marins nucléaires d’attaque (hors dissuasion)
Pour assurer la protection d’une force océanique stratégique ou d’une force aéronavale, le renouvelle- ment du parc de 6 sous-marins de type « Rubis » par une nouvelle gamme de sous-marins nucléaires d’attaque de type « Barracuda » sera poursuivi. - Les systèmes terrestres et les munitions
La modernisation des moyens équipant les forces terrestres dans l’ensemble de leur spectre d’emploi conduit à lancer le programme SCORPION afin de renouveler les véhicules de combat de contact de l’armée de Terre tout en progressant dans la numérisation de l’espace de bataille.
Ce renouvellement repose principalement sur l’acquisition de véhicules blindés multirôles (VBMR) en remplacement des véhicules de l’avant blindés actuels (VAB) et d’engins blindés de reconnaissance et de Combat (EBRC) en remplacement des véhicules blindés AMX 10RC, et ERC 90, ainsi que sur la réalisation échelonnée des moyens d’information intégrés à ces véhicules. - Le combat naval et la lutte sous-marine
Le programme de « frégates européennes multi-missions » (FREMM) apportera des capacités d’inter- vention et de réaction immédiate dans les domaines de la projection de puissance, de l’action de la mer vers la terre, de la lutte sous la mer et de la maîtrise des espaces aéro-maritimes.
Le programme BATSIMAR (bâtiment de surveillance et d’intervention maritime) viendra renouveler le parc de patrouilleurs nécessaires pour le contrôle des espaces maritimes, notamment dans nos ap- proches et outre-mer.
Le renouvellement de l’ensemble des moyens de lutte contre les mines sera assuré par le programme SLAMF (Système de Lutte Anti-Mines navales Futur). Enfin, le programme FLOTLOG (flotte logistique) aura pour objectif l’acquisition de pétroliers ravitailleurs permettant le ravitaillement en charges liquides (carburants) et solides (munitions, nourriture, etc…). - Le renseignement-surveillance
Compte tenu des enjeux de ce domaine qui constitue un outil de souveraineté garantissant l’autonomie d’appréciation et de décision nationale, un effort particulier est réalisé. Il se matérialise par :
• la réalisation du programme d’observation spatiale MUSIS, dont la France assure la réalisation de deux
satellites optiques,
• la poursuite du renouvellement des capacités de surveillance de l’espace aérien, de contrôle des vols,
de commandement des opérations aériennes et de la défense sol – air au travers du programme SCCOA,
• le lancement du programme CERES qui apportera à l’horizon 2020 une capacité nouvelle d’interception,
de caractérisation et de localisation des émetteurs électromagnétiques depuis l’espace,
• l’acquisition des systèmes de drones MALE (Moyenne Altitude-Longue Endurance) et tactiques SDT,
• la rénovation des systèmes de combat des avions de patrouille maritime Atlantique 2. - Les systèmes d’information et de communications
Les prochaines années doivent voir la réalisation de programmes structurants de renouvellement des capacités de communication et de maîtrise de l’information :
• le programme COMSAT NG qui prendra la succession à l’horizon 2020 des satellites SYRACUSE en four- nissant les communications satellitaires sécurisées nécessaires à l’autonomie d’engagement des forces armées sur les théâtres d’intervention et au commandement des forces déployées ;
• le programme CONTACT lancé en 2012 et qui assurera la réalisation des moyens de communications
radio pour les opérations tactiques avec une mise en réseau de ces moyens ;
• le programme DESCARTES qui prendra le relais des réseaux actuels de télécommunications et de télé- phonie entre les sites du ministère de la défense ;
• le programme SIA (Système d’information des armées) qui permettra aux forces françaises de planifier, préparer et conduire les opérations grâce à une gestion en réseau de l’information issue des capteurs et systèmes d’armes.
Par ailleurs un accent particulier sera mis sur le développement des moyens de sécurisation des sys- tèmes d’information et de cybersécurité. - Les programmes de dissuasion
Afin de garantir dans la durée la cohérence du système de dissuasion dans ses deux composantes, océa- nique et aéroportée, et des moyens de transmission associés, le lancement des programmes suivants et des extensions de programmes en cours est planifié d’ici 2025, dans le respect du principe de stricte suffisance :
Pour la composante océanique :
• Le programme SN3G de sous-marin nucléaire lanceur d’engins qui succèdera au sous-marin de deuxième génération (SNLE type « Le Triomphant »), dont le premier a été admis au service actif en 1997.
• La poursuite du programme de missile M51, pour lequel des versions incrémentales seront dévelop- pées.
Pour la composante aéroportée
• La rénovation à mi-vie des missiles ASMPA qui ont été mis en service en 2009 et sont pleinement opé- rationnels depuis fin 2011 sous Mirage 2000 et Rafale.
• Les premiers travaux pour le renouvellement du système d’armes ASMPA.
Par ailleurs, le dispositif de transmissions nucléaires bénéficiera de travaux importants de rénovation. Enfin, les efforts consentis depuis 1995 sur le programme de simulation se poursuivront. Celui-ci est primordial pour garantir, sur le long terme, la capacité de conception, la fiabilité et la sureté des armes nucléaires.