Palais de l’Élysée — mercredi 25 août 2010, Allocution du Président Nicolas Sarkozy.
Monsieur le Premier Ministre, Monsieur le Président du Sénat, Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale, Monsieur le Ministre des Affaires Etrangères et Européennes, Mesdames et Messieurs les Ministres, Mesdames et Messieurs les Parlementaires, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Il est des moments de l’Histoire où le sort hésite entre le meilleur et le pire. Des moments où tous les efforts accomplis peuvent être perdus ou, au contraire, tous les efforts accomplis peuvent déboucher sur des progrès durables. Nous sommes aujourd’hui dans l’un de ces moments.
C’est vrai pour l’action de la communauté internationale dans cet arc de crise qui s’étend des frontières du Pakistan aux confins du Sahel, en passant naturellement par l’Iran et le Proche-Orient.
C’est vrai pour l’Europe, où le traité de Lisbonne et les décisions prises face à la crise financière ouvrent des perspectives qui restent à développer pour faire de l’Union européenne un acteur global.
C’est vrai pour l’économie mondiale qui n’a pas encore retrouvé le chemin d’une croissance solide et durable, alors que le G20 doit convaincre qu’il a la volonté de poursuivre des réformes nécessaires et indispensables.
A la grande table où se prennent les décisions, de nouveaux acteurs ont rejoint les puissances reconnues. A juste titre, ces nouveaux acteurs réclament la reconnaissance de leurs droits. La France les soutient mais la France leur dit qu’il faut aussi accepter qu’avec ces droits viennent des devoirs, des responsabilités à assumer. Et il faut que ces nouveaux acteurs reconnaissent que leur réussite éclatante leur impose de dépasser la stricte défense des intérêts nationaux pour apporter leur contribution à la solution des problèmes du monde.
Dans ce moment de l’Histoire où le sort hésite, pour faire pencher la balance du bon côté, nous avons besoin de volonté et d’unité. Si nous sommes divisés et hésitants, si nous ne parvenons pas à nous entendre sur les objectifs à atteindre, entre puissances reconnues et grands pays émergents, si nous ne sommes pas capables de jouer ensemble, collectivement face aux défis du terrorisme, de la prolifération, du réchauffement climatique, alors rien ne sera possible et nous aurons failli à notre devoir.
Dans ce moment donc, la France doit affirmer sa vision, sa détermination. Elle doit chercher à rassembler et elle doit mobiliser chacun autour des objectifs dont le G20 devrait se pourvoir.
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
La lutte contre le terrorisme demeure une priorité absolument majeure pour la France.
Toutes les analyses confirment que, depuis 2001, la capacité d’Al Qaïda de lancer des attaques dévastatrices contre les pays occidentaux a été fortement réduite. En revanche, Al Qaïda et ceux qui s’en réclament ont accru leur emprise dans certains Etats, dans un arc qui va du Pakistan au Mali.
Chaque pays fait face à une situation spécifique. Il n’y a pas aujourd’hui de coordination opérationnelle entre les groupes qui agissent d’un bout à l’autre de cet arc de crise. Mais si la situation devait se dégrader, le risque serait immense de voir apparaître une chaîne continue liant les bases terroristes de Quetta et du Sud-afghan à celles du Yémen, à celles de la Somalie et à celles du Sahel. Il y a là une véritable préoccupation d’un arc de crise du terrorisme.
Sur l’Afghanistan, la mode du moment, – Dieu sait qu’il y a des modes – la mode du moment chez les commentateurs est au catastrophisme. Chaque jour on nous annonce le retour des Talibans, comme si les jeux étaient faits et comme si nous allions abandonner le peuple afghan.
La réalité c’est que les Talibans restent forts, malgré des pertes importantes, dans le Sud et dans l’Est. En revanche, le reste du pays ne connaît pas de violences majeures. La coalition et le gouvernement afghan ont su adapter leur stratégie et continuent de le faire. Nous réussirons en poursuivant notre action avec détermination et en assumant pleinement les responsabilités de chacun.
Nos responsabilités et celles de nos alliés, c’est de défendre les Afghans dans les régions où les Talibans menacent ; de former des forces de sécurité afghanes aptes à combattre par elles-mêmes ; et d’apporter à la population une aide civile adaptée à ses véritables besoins. C’est d’ailleurs ce que la France fait dans sa zone de responsabilité, Kapisa et Surobi. Le prix humain est lourd et s’est encore alourdi malheureusement cette semaine. Mais je demande à chacun d’entre vous d’imaginer ce qu’il en serait du prix humain si nous n’étions pas là ? Souvenons-nous de ce que les Talibans ont fait dans le passé et des milliers, voire des dizaines de milliers de victimes afghanes qu’ils continuent de faire.
Le gouvernement afghan, pour sa part, doit améliorer la gouvernance du pays comme le lui a rappelé Bernard Kouchner, combattre la corruption, combattre la drogue et sans doute proposer la réconciliation à ceux qui renoncent à la violence et coupent tout lien avec Al Qaïda en respectant les institutions afghanes. Enfin, il faut que le gouvernement afghan se prépare sérieusement à prendre en charge la sécurité des provinces et districts qui seront jugés assez stables pour lui être transférés.
En tout cas, notre action au service de la paix ne doit pas être soumise à des calendriers artificiels ou à ce que j’appellerais les humeurs médiatiques. Les humeurs médiatiques, on sait ce que cela a donné durant le XXème siècle, tous ceux qui se passionnent un peu pour l’histoire connaissent parfaitement cela. Nous avons des objectifs politiques, me semble-t-il, réalistes et ces objectifs, cette ligne politique, c’est une transition progressive et ordonnée entre les alliés et les autorités afghanes. La France restera donc engagée en Afghanistan, avec ses alliés, aussi longtemps que nécessaire et aussi longtemps que le souhaitera le peuple afghan.
Aucune victoire ne sera possible sans le concours du Pakistan. Ce pays fait courageusement face aux conséquences d’inondations sans précédent. Il est confronté à des défis économiques et sociaux immenses. Il doit vaincre le terrorisme chez lui, c’est ce que j’ai dit au Président Zardari le 2 août dernier, et la France sera aux côtés du Pakistan dans ce combat contre toutes les formes de terrorisme. J’ai dit au président pakistanais que moins il y aura d’ambigüité sur l’engagement des forces pakistanaises contre le terrorisme, plus la communauté internationale sera convaincue qu’il est utile d’aider son gouvernement.
Au Yémen, c’est la stabilité de toute la péninsule arabique qui est en cause. Il y a un an, alors qu’un mouvement armé s’étendait et menaçait de déborder sur l’Arabie Saoudite voisine, plusieurs pays, dont la France, ont assumé leurs responsabilités. Une trêve fragile a succédé aux affrontements violents. Mais le problème demeure. Restons extrêmement vigilants à la situation au Yémen.
De l’autre côté du Golfe d’Aden, en Somalie, l’enjeu est essentiel: les attentats meurtriers de Kampala, en juillet, ont montré que les milices islamistes des Shebab ont désormais la capacité d’étendre leurs combats bien au-delà des frontières. Je le dis, leur victoire à Mogadiscio transformait la Somalie en base de départ d’Al Qaïda, ce serait une catastrophe. Cela achèverait de déstabiliser toute une région déjà fragilisée par les déchirements du Soudan.
La France contribue par sa présence militaire à Djibouti, au Tchad et en RCA, à la stabilité régionale. La France va accentuer son effort en Somalie, en réponse aux demandes de l’Union africaine. Après les 500 soldats formés à Djibouti, ce sont 2.000 soldats somaliens qui sont actuellement entraînés en Ouganda, tandis que la force africaine AMISOM dont nous avons déjà formé 5.600 hommes, va être renforcée.
Il faut que chacun comprenne que la Somalie, que le Yémen, que le Pakistan, que l’Afghanistan, ce sont des enjeux pour la sécurité de chaque Français. Ce n’est pas une histoire éloignée dont nous serions déconnectés.
Bien sûr, il n’y aura pas de solution purement militaire. L’Union européenne, premier donateur d’aide, doit maintenir son effort mais nous continuerons à être présents dans cette région du monde. dans la durée le problème de la piraterie.
Enfin, au Sahel, la barbarie de la branche maghrébine d’Al Qaïda s’est à nouveau illustrée avec le refus de toute négociation et l’assassinat de Michel Germaneau. Ces terroristes cherchent à étendre leur emprise sur des immensités désertiques où les Etats peinent à affirmer leur présence, territoire grand comme l’Europe, que voulez-vous qu’ils fassent seuls ?
Pour la première fois, en juillet, un coup sévère a été porté aux terroristes grâce à une attaque menée par les forces mauritaniennes avec le soutien de la France. Je vous le dis : ce jour-là marque un tournant majeur. La seule stratégie ne peut pas consister à payer des rançons et à accepter de libérer des prisonniers en échange de malheureux innocents qui sont pris en otage. Cela ne peut pas être une stratégie. La France aide sans réserve les gouvernements qui lui en font la demande à former, équiper, renseigner les forces mobiles dont ils ont besoin pour éliminer des groupes qui menacent de déstabilisation tout le Sahel.
La France se tient aussi aux côtés de l’Algérie, du Maroc, de la Tunisie et de la Libye : leur combat contre le terrorisme est le nôtre, car leur sécurité ne peut être séparée de la nôtre. Je rappelle que le Détroit de Gibraltar, c’est douze kilomètres.
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Au cœur de cet arc de crise, il y a bien sûr l’Iran. Le régime exerce son contrôle par la répression et recourt massivement aux exécutions capitales, y compris sous la forme la plus moyenâgeuse: la lapidation, dont est menacée Mme Mohammadi. Mme Mohammadi, la France considère qu’elle en a la responsabilité. L’Iran alimente la violence et l’extrémisme dans la région et représente aujourd’hui la principale menace à la sécurité internationale dans un domaine majeur qui est celui de la prolifération.
Qu’on me comprenne bien : la France est favorable au développement, dans le strict respect des normes internationales, de l’électricité d’origine nucléaire. Je l’avais dit au moment de la campagne présidentielle – cela avait d’ailleurs créé polémique à l’époque — je reste convaincu que le nucléaire civil, c’est une énergie de l’avenir et qu’aucune nation ne peut s’attribuer le droit exclusif d’en détenir la technologie ou les bienfaits. L’Iran a le droit au nucléaire civil et c’est pourquoi la France salue le démarrage de la centrale de Buscher dont le combustible est et sera en totalité fourni par la Russie. Le problème n’est pas là, le problème est ailleurs.
Il y aura bientôt un an, à Pittsburgh, avec Barack Obama et Gordon Brown, nous avions révélé l’existence du site nucléaire clandestin que l’Iran construisait pour ses activités proliférantes. J’avais alors dit qu’il faudrait imposer à l’Iran des sanctions s’il ne changeait pas de politique. Nous y sommes. Le Conseil de sécurité, les Etats-Unis, l’Union européenne, d’autres encore, ont pris des mesures, et même sans précédent, cher Bernard Kouchner, s’agissant des Européens. Il était grand temps. Car chacun connaît les conséquences graves d’une politique qui laisserait l’Iran poursuivre sa course nucléaire : ce serait la prolifération généralisée dans la région, ou l’intervention militaire ; dans tous les cas, ce serait une crise politique internationale absolument majeure.
Nous allons donc mettre en œuvre ces sanctions. J’appelle tous les pays à faire de même. On dit parfois que les sanctions ne marchent pas, voire qu’elles mènent à la guerre. C’est faux. Les sanctions ne marchent pas quand elles sont trop faibles, les sanctions ne marchent pas quand elles n’ont pas d’objectif clair. Le nôtre est simple : faire comprendre à l’Iran que ses choix ont un coût élevé et croissant, et qu’il existe une alternative qui s’appelle l’engagement de négociations ; mais des négociations sérieuses, concrètes, allant au cœur du sujet. L’Iran y est-il prêt ? C’est toute la question. Nous verrons en septembre, à Vienne, s’agissant de la fourniture d’uranium pour le réacteur civil de Téhéran.
Je souhaite qu’un bon accord soit trouvé dans les mois qui viennent, que l’Iran respecte le droit, que les préoccupations internationales soient levées. Celles des voisins de l’Iran doivent être prises en compte et ils devront être consultés sur tout accord.
Mais si un accord crédible ne pouvait être conclu, alors l’isolement de l’Iran s’accroîtrait inexorablement et face à une menace qui se préciserait, il faudrait aussi nous organiser pour protéger et défendre les Etats qui se sentiraient menacés.
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Certains affirment que les violences d’un bout à l’autre de l’arc de crise ont une cause unique : l’absence de solution au conflit israélo-palestinien. C’est faux. Ceux qui tuent à Bagdad, ceux qui assassinent à Kandahar veulent éliminer leurs ennemis en Irak ou en Afghanistan. En revanche, qui ne comprend qu’un règlement de paix entre Israéliens et Palestiniens transformerait la donne politique dans le Proche-Orient tout entier ?
Là encore, le sort hésite mais c’est uniquement une question de volonté et de détermination. Un accord de paix, dont tout le monde connaît les paramètres, peut être signé dans le délai d’un an. La relance des négociations directes le 2 septembre, crée une immense attente. Cette attente ne doit pas être déçue. Un Etat palestinien viable et démocratique, établi sur la base des frontières de 1967, est un droit pour les Palestiniens et en même temps, c’est la meilleure garantie, pour Israël de sa sécurité, de sa pleine intégration dans la région, conformément à l’Initiative arabe de paix. C’est aussi la seule voie, dans l’intérêt des deux peuples, pour réduire les extrémismes et pour leur redonner confiance en l’avenir.
La France propose d’accueillir la deuxième conférence de Paris d’aide au peuple palestinien pour financer l’achèvement de la construction de l’économie et des structures du futur Etat.
Et la France souhaite, avec la co-présidence égyptienne, que le deuxième sommet de l’Union pour la Méditerranée se tienne à Barcelone fin novembre. Ce sera l’occasion d’adopter plusieurs grands projets économiques qui témoigneront de la capacité de tous les pays participants à bâtir ensemble un avenir pour tous les peuples de la Méditerranée. On a que trop attendu ! Tout le monde sait à quelle condition la paix peut-être signée.
La paix entre la Syrie et Israël, elle est tout aussi possible. La France, qui a renoué avec Damas un dialogue régulier utile pour toute la région, s’implique aux côtés de la Turquie, dans la recherche d’un accord. Avec Bernard Kouchner, nous avons confié une mission dans ce sens à l’Ambassadeur Jean-Claude Cousseran, qui a toute notre confiance.
Au moment où l’espoir renaît dans la région, il serait inacceptable que le Liban sombre à nouveau dans la violence. La France s’est félicitée de la visite conjointe à Beyrouth du Roi Abdallah d’Arabie Saoudite et du Président Bachar Al Assad. La France apporte tout son soutien à ses institutions démocratiques, au Président Sleimane, au Premier Ministre Hariri. La France est l’amie de tous les Libanais. L’action de la communauté internationale au Liban n’a pas d’autre raison que cette stabilité. C’est bien tout le sens de la mission de la FINUL au service de la paix et de la souveraineté du Liban, que tous les voisins du Liban doivent respecter.
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Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
En Europe aussi, le sort hésite entre le meilleur et le pire. L’hiver dernier, ce fut le pire : soudain la crise de la dette grecque était devenue, pour les commentateurs et même les marchés, une crise de l’Euro dont la viabilité était mise en doute.
Permettez-moi de rappeler, maintenant que l’orage est passé, quelques vérités simples.
D’abord, les finances publiques de la zone euro dans son ensemble sont sensiblement moins dégradées que celles des Etats-Unis ou du Japon, que l’on prenne les critères du déficit ou les critères de la dette. D’ailleurs, les modes des commentateurs sont extraordinaires. J’étais il y a quelques semaines au Canada, au Sommet du G20 et chacun de pointer l’insuffisance économique de l’Europe et de louer la force retrouvée économique de l’Amérique et de l’Asie. Aujourd’hui, les articles écrivent exactement le contraire.
Ensuite, contrairement à ce que l’on dit trop souvent, les Européens ont su réagir efficacement lorsqu’il a fallu sauver la Grèce, 110 milliards d’euros ont été mobilisés, et quand il a fallu sauver la zone euro dans son ensemble, ce sont de 750 milliards d’euros que nous avons su mobiliser
Certes, il eut mieux valu agir plus rapidement. Mais il ne faut pas oublier qu’en Europe, le processus de décision implique 27 nations souveraines. Ce que l’Histoire retiendra, c’est que comme toujours, l’Europe a surmonté ses difficultés en faisant le choix de la solidarité et de l’unité.
Ce que l’Histoire retiendra, c’est que ces difficultés ont été l’occasion de nouveaux progrès de l’Union.
Et ce que l’Histoire retiendra, c’est qu’une fois de plus, l’entente franco-allemande, malgré des approches initiales différentes, a permis ce progrès de l’Europe. Au moment crucial, l’entente franco-allemande a été décisive.
Ce que je retiens de cette épreuve, c’est que nous devons renforcer l’efficacité des institutions européennes. La prochaine étape sera le gouvernement économique. Gouvernement à 27 d’abord et chaque fois que nécessaire, gouvernement entre les 16 de la zone euro. Mais, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, il y a seulement quelques mois, les mots «gouvernement économique européen » étaient tabous. On ne pouvait pas les employer, sauf pour la France. Aujourd’hui, toute l’Europe s’accorde pour reconnaître qu’un véritable Gouvernement économique européen est non seulement nécessaire et même indispensable. Nous allons le mettre en place concrètement. La France et l’Allemagne ont fait des propositions ambitieuses, qui ont été présentées au Conseil des Ministres du par M. Schaüble et par Christine Lagarde. Dès le mois d’octobre, le Conseil européen prendra les décisions qui s’imposent sur la base des propositions de son président, Herman Van Rompuy.
Mais l’Europe ne peut pas en rester aux seules questions économiques, quelle que soit leur importance. Il y a toutes les questions de sécurité et de défense. On ne défendra pas l’Europe avec des murailles de procédures et des bataillons en papier.
Face aux menaces contre nos intérêts vitaux, nous avons la dissuasion nucléaire. Mais face aux défis nouveaux, les Européens prennent du retard, alors qu’il leur faut aussi participer à la sécurité des mers, essentielle pour notre commerce, à la sécurité de l’espace et, désormais, du cyber-espace.
La France est prête à s’engager sur des projets concrets. J’ai entendu les déclarations de nos alliés britanniques sur la coopération bilatérale avec la France. Nous en discuterons avec eux sans tabou et nous prendrons des décisions importantes en novembre lors du prochain Sommet franco-britannique.
J’aurai l’occasion de me rendre au Sommet de l’OTAN, fin novembre à Lisbonne, pour adopter un nouveau concept stratégique. Il faudra réformer nos structures, les dégraisser, les adapter à la nouvelle donne internationale. Les nouvelles menaces appellent une relation renouvelée et plus étroite de l’OTAN avec l’Union européenne.
Avec la Russie, nos intérêts communs doivent permettre de développer, si Moscou le souhaite, un partenariat sans précédent pour la sécurité de tout l’espace euro-atlantique. Je ne me laisserai pas de rappeler que la guerre froide, c’est fini. La France fera dès le mois prochain des propositions précises concernant les rapports de la Russie avec l’Union européenne et avec l’OTAN, ou dans le cadre de l’OSCE qui tiendra son sommet début décembre à Astana.
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Avec 500 millions de citoyens et une puissance économique qui représente 30 % du PIB mondial, plus de 35 % du total mondial des investissements directs à l’étranger et même près de 60 % du total de l’aide publique au développement, l’Union européenne a en mains les cartes nécessaires pour s’imposer comme une puissance économique globale.
Encore faut-il qu’elle ait la volonté de jouer ses atouts sans naïveté, dans le cadre d’une stratégie cohérente, visant des résultats concrets et des bénéfices réciproques. L’Europe est le plus grand marché du monde, l’Europe est le premier importateur du monde. Nous n’avons aucun complexe à avoir en la matière. Mais n’hésitons pas à jouer de cela, avec exigence et avec fermeté pour nous ouvrir des marchés jusqu’à présent trop fermés ! Oui je dénonce une certaine naïveté européenne dans les relations commerciales. N’hésitons pas à nous battre pour imposer le respect des règles d’une concurrence loyale ! Ce n’est pas du protectionnisme. N’hésitons pas à combattre le dumping fiscal, le dumping social et, cher Jean-Louis Borloo, le dumping environnemental ! On ne peut pas continuer à imposer à nos industriels et à nos agriculteurs des règles, qui s’imposent à ceux qui produisent en Europe, et dont l’on exonèrerait à ceux qui produisent hors d’Europe, puisque l’on continuerait à importer des produits fabriqués sans respecter aucune règle sociale et aucune règle environnementale. Dire cela ce n’est pas porter atteinte à la liberté du commerce, c’est simplement demander à l’Europe d’engager ses négociations commerciales avec moins de naïveté.
L’Union européenne doit aussi se donner les moyens de rester au premier rang de la compétition mondiale. La France, me semble t-il, sera d’autant plus entendue sur ce sujet en Europe, que la France montrera l’exemple dans ce qu’elle fait pour elle-même. Nous avons l’ambition, avec le Premier ministre et les ministres en charge de l’Economie, de réduire les écarts de compétitivité avec les pays les plus performants et d’améliorer notre potentiel de croissance. C’est pour cela que nous avons défiscalisé, libéré les heures supplémentaires, décidé de ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux, supprimé la taxe professionnelle, un impôt qui n’existait que dans notre pays et qui frappait les investissements des entreprises. Je vois les hommes politiques de tous bords dénoncer, à juste titre, le faible niveau d’investissement de nos entreprises, mais la taxe professionnelle frappait les investissements. C’est pour cela que nous avons adopté le dispositif fiscal de soutien à la recherche le plus attractif de tous les pays de l’OCDE, que nous avons accordé à nos universités un statut complet d’autonomie, que nous avons lancé le grand emprunt et que bien sûr nous allons réformer notre système de retraites. L’Europe l’exige, mais par ailleurs la France continuera à réduire son déficit public. Il sera de 6% en 2011 et de 3% en 2013.
De ce point de vue la question de la compétitivité est essentielle et j’ai parfaitement conscience que nos systèmes fiscaux doivent être des armes pour lutter contre les délocalisations. C’est pourquoi, vraiment, j’attache beaucoup de prix au travail que font Christine Lagarde et François Baroin dans le rapprochement des systèmes fiscaux entre l’Allemagne et la France.
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Enfin, le 12 novembre, la France prendra la présidence du G20 pour un an, et le 1er janvier prochain la France prendra la présidence du G8.
Ce sont deux très lourdes responsabilités. Je ne reviendrai pas sur le G20 qui représente 85% de la richesse de la planète et qui a été créé sur proposition de la France. Jusqu’à présent nous avons connu un G20 des temps de crise qui, au fond, était passionnant mais assez simple. On n’avait pas le choix, il fallait prendre des risques et agir.
Et le G20 a accompli un travail considérable sur lequel je ne reviendrai pas, d’autant plus que le G20 de Séoul, au mois de novembre aura l’occasion de tirer les conséquences et les conclusions de tout ce que nous avons décidé.
Mais maintenant se pose pour nous une question. Nous sommes dans une situation de calme relatif et je comprends parfaitement que la tentation existe de borner les ambitions du G20 à l’application des décisions prises, complétées en 2011 par quelques mesures utiles. Je ne m’en moque pas. C’est très bien. Parfait. Au G20 de crise succèderait un G20 de gestion.
Je voudrais dire que ce n’est pas du tout ma vision des choses. La crédibilité du G20 est clairement posée. S’en tenir à un ordre de gestion du G20 serait condamner le G20 à l’enlisement. Et pire, condamner le monde à de nouvelles crises.
Jusqu’à présent il n’est venu à l’idée de personne autour de la table du G20 de dire : « on arrête ». Pressé par la crise, les urgences du moment, chacun se disait : « il faut absolument inventer de nouvelles choses ». Maintenant la crise reflue et chacun est un peu essoufflé. « On va reprendre notre souffle. Gérons, calmons les choses. Au fond, revenons au train-train habituel ».
Ce n’est pas la vision de la France. Je voudrais dire que paradoxalement, il est plus facile d’être audacieux lorsque le monde est au bord du précipice que lorsque le calme est revenu. Aujourd’hui nous avons le choix : achever les chantiers ouverts, traiter à mesure qu’ils se présenteront les développements imprévus et border là notre ambition ; ou bien, et c’est la proposition de la France, ajouter de nouveaux chantiers, ceux qui sont dans l’impasse depuis trop longtemps et dont dépend la stabilité et la prospérité du monde. La France proposera à ses partenaires le choix de l’action et de l’ambition. Seul le G20 dispose du poids spécifique de la légitimité et de la capacité de décision nécessaires pour donner les impulsions indispensables aux chantiers de l’avenir.
Pour ma part, même si nous allons consulter nos partenaires, j’en identifie trois.
Le premier chantier qu’il faut régler dès l’année prochaine, c’est celui de la réforme du système monétaire international.
Qui contestera que l’instabilité des changes fait peser une menace essentielle sur la croissance mondiale ? Comment les entreprises peuvent-elles planifier leur production et leurs exportations quand l’euro passe brutalement de 1 dollar pour 1 euro à 1,60 dollar pour 1 euro, avant de redescendre quelques semaines après à 1,27 ? Qui peut continuer à plaider que l’on va pouvoir produire en zone euro et vendre en zone dollar avec un système monétaire aussi erratique ?
La prospérité de l’après-guerre devait beaucoup à Bretton Woods. Depuis le début des années 70, je veux le dire, même si cela est fort, nous vivons dans un non-système international monétaire. On n’est plus dans le système de Bretton Woods, on n’a pas réfléchi à un nouveau système, il n’y a pas de système monétaire international.
Naturellement la France ne plaide pas pour que l’on revienne à un système de taux de change fixe. Mais la France plaide pour que l’on mette en place en place des instruments qui évitent l’excessive volatilité des monnaies, l’accumulation des déséquilibres, la recherche d’un niveau toujours plus élevé de réserves de change par les pays émergents qui ont été confrontés à des retraits brutaux et massifs de capitaux internationaux.
Je sais bien que le sujet est sensible et la France va proposer à ses partenaires de l’aborder sans tabou. Par exemple, je proposerai l’organisation d’un séminaire international entre les meilleurs spécialistes mondiaux des affaires monétaires qui pourraient peut-être – pourquoi pas ? – se tenir en Chine. Pour réfléchir, souvenons-nous, Brettons Woods : un an de travail. Ce n’est peut-être pas inacceptable de penser que l’on puisse organiser un séminaire international des meilleurs spécialistes monétaires internationaux en Chine, puissance majeure, pour réfléchir à ce que pourrait être le système monétaire qui succède à Brettons Woods ?
Et la France ira un peu plus loin en proposant trois pistes d’étude.
1- Moi je suis sûr qu’il nous faut renforcer nos mécanismes de gestion de crise. Ecoutez, depuis 1990, j’ai fait le calcul, les pays émergents ont connu 42 épisodes de retraits brutaux des capitaux internationaux, mettant en péril leur stabilité et leur croissance. 42 fois, un pays s’est vidé de ses réserves, depuis 1990.
Nous devons repenser les mécanismes internationaux d’assurance pour disposer d’instruments multilatéraux plus efficaces et plus rapides pour prévenir et traiter ces crises. Une réflexion est lancée sur les instruments dont dispose le FMI. Le monde doit être capable de mobiliser rapidement des sommes colossales pour faire face à la spéculation irrationnelle des marchés.
Je souhaite également que nous débattions de la doctrine internationale sur les mouvements de capitaux. Nous avons vécu des années dans l’illusion que l’ouverture des marchés de capitaux constituait toujours un progrès. La réalité nous a montré que ce n’était pas le cas. Il est légitime que des pays très dépendants des capitaux extérieurs puissent prendre, en cas de crise, des mesures pour les réguler. La meilleure assurance contre la montée des risques protectionnistes, en cette matière comme en d’autres, c’est l’élaboration de règles multilatérales. C’est la règle qui protège la liberté. C’est l’absence de règle qui détruit la liberté.
Deuxièmement, nous devons nous interroger sur l’adéquation d’un système monétaire international dominé par une seule monnaie dans un monde devenu depuis bien longtemps multipolaire. Cela n’a pas de sens. C’est un fait : à l’accumulation des réserves de change dans certains pays correspond le creusement du déficit de la balance des paiements courants des Etats-Unis. Ce n’est dénoncer personne que de dire cela.
A Londres, les pays du G20 ont décidé d’une allocation exceptionnelle de 250 milliards de Droits de Tirages Spéciaux. Cet actif international fait aujourd’hui l’objet d’un intérêt croissant. Nous sommes loin de la création de la monnaie mondiale voulue par Keynes avec le Bancor. Mais enfin, offrir un actif de réserve international qui ne soit pas émis par un seul pays, me semble-t-il, permettrait de renforcer la stabilité du système tout entier.
3- Enfin, nous devons trouver les moyens de mieux coordonner les politiques économiques et monétaires des grandes zones économiques. Avec le G20, on a mis en place à Pittsburgh le cadre qui doit permettre à chacun d’entre nous de mener les politiques économiques appropriées.
Mais nous devons aller plus loin et définir un nouveau cadre de concertation, par exemple sur les évolutions de change. Ce forum, c’est actuellement le G7 des ministres des Finance, chère Christine, et des gouverneurs, des banques centrales. Mais, enfin pardon, comment peut-on aujourd’hui parler de taux de change dans le monde sans la Chine ? Excusez-moi, ça n’a aucun sens. Nous devons débattre de la meilleure réponse à apporter à cette question qui est absolument incontournable.
Parler de ces sujets n’a rien de sacrilège. Rien. En discuter sereinement, au sein du forum le plus légitime qu’est le G20 est souhaitable. Pourquoi attendre ? D’ailleurs, attendre quoi ? Sans doute la prochaine crise, mais cette fois, la prochaine crise, elle aura des conséquences incalculables parce que les États n’auront plus les moyens de faire ce qu’ils ont fait.
Le deuxième chantier, qui n’est pas moins ambitieux, de la France pour le G20 et qui suscitera bien-sûr les sarcasmes au départ, comme d’habitude, mais sur lequel je ne céderai pas, c’est celui de volatilité des prix des matières premières. C’est une catastrophe. Et il suffit de voir ce qui se passe avec le blé.
Au printemps dernier, les producteurs nous appelaient au secours – je parle sous le contrôle de Bruno Le Maire — parce que les prix s’effondraient. Il y a moins de six mois, j’allais moi-même en Seine-et-Marne prendre le pouls de nos céréaliers qui m’expliquaient, à juste titre, la situation de quasi-faillite dans laquelle ils se trouvent. Aujourd’hui même, six mois après, il a suffit d’une mauvaise récolte en Russie, d’une catastrophe ici ou là et c’est l’explosion des prix de la même denrée. Mais qui peut penser qu’un système pareil peut fonctionner ? Fonctionner sans drame ? Parce qu’avons-nous déjà oublié les « émeutes de la faim » à Haïti ou en Afrique quand les prix de certains produits alimentaires avaient brusquement explosé? Je vous rappelle que c’était en 2008. Et qu’entre 2008 et 2010, personne n’a rien fait. Et qui a oublié les conséquences dramatiques pour l’économie mondiale de hausses brutales des prix du pétrole et du gaz, suivies de baisses tout aussi rapides et tout aussi inexplicables?
Alors qui osera dire que ce sujet est trop difficile et qu’il vaut mieux ne rien faire ? Ça, je connais. En France, j’ai parfaitement identifié ceux qui pensent qu’il vaut mieux ne rien faire. Mais enfin, on ne va pas faire la même chose dans le monde. Ce sont quand même des sujets. La France va proposer à ses partenaires du G20 — car, quitte à assumer la présidence, autant que cela serve à quelque chose – d’ouvrir ce dossier avec pragmatisme et avec ambition. Il me semble que trois sujets pourraient être étudiés.
D’abord, je veux poser la question du fonctionnement même des marchés de dérivés des matières premières. Je sais que ce sont des mots qu’on ne doit pas prononcer, mais pourquoi devrions-nous réguler les marchés des dérivés dans le seul domaine financier ? La France est arrivée à convaincre le monde entier qu’il fallait réguler les marchés dans le domaine financier. J’aimerais qu’on m’explique au nom de quoi ce qu’on va faire dans le domaine financier, on ne serait pas capable de le faire sur le marché des dérivés qui fonctionne tout aussi mal, d’ailleurs, pour les matières premières. Etendre la régulation aux matières premières est possible et souhaitable et c’est indispensable. Nous n’avons pas à financer la spéculation. Qu’on ne vienne pas me dire que c’est de l’économie de marché, personne ne sait comment fonctionne ce marché, personne ne connait ses intervenants et personne ne comprend comment il fonctionne.
Deuxièmement, pour les matières premières agricoles, plusieurs pistes pourraient être explorées sans a priori : d’abord la transparence des marchés, ce serait utile ; les politiques de stockage; la création, par les institutions financières internationales, d’outils assurantiels pour permettre aux pays importateurs de se couvrir contre la volatilité des cours.
Enfin, les prix de l’énergie. La France a reçu mandat de proposer des mesures pour Séoul et pour le Sommet de 2011, afin de lutter contre la volatilité des prix. Nous proposerons des mesures de transparence et un dialogue approfondi entre producteurs et consommateurs. Quand le prix du baril était tombé aux alentours de 40 dollars, la France a dit : « c’est un bien mauvais calcul de s’en réjouir », parce qu’évidemment, si on se plaint du prix du baril quand il est à 120 dollars, on n’a peut de chance d’être entendu.
Troisième et dernier chantier qui sera proposé pour la présidence française: la gouvernance mondiale. Je vous en ai longuement entretenu ici-même, il y a un an.
Le G20 a décidé qu’il serait le « principal forum » mondial pour les questions économiques et financières. Encore faut-il qu’il se donne les moyens de travailler plus efficacement. Ne faut-il pas créer un secrétariat du G20 pour suivre en permanence la mise en œuvre des décisions prises et instruire les dossiers, en liaison avec toutes les organisations internationales concernées ? Évidemment, il y a une présidence du G20 qui passe au président suivant sans transition, mais qui assure le suivi de toutes les décisions extrêmement importantes et considérablement techniques qu’on a prises ? Il ne s’agit pas de faire une nouvelle administration, mais enfin…
Ne faut-il pas que le G20 ouvre son ordre du jour à des sujets nouveaux, tels que le développement ? Ne devrait-on pas, par exemple, y adopter des règles de bonne conduite et de bonnes pratiques pour l’aide publique ? Par exemple, plutôt que de saigner jusqu’à la dernière goutte de sang des pays qui n’ont rien, ne devrait-on pas considérer que les fameuses sept normes de l’Organisation Internationale du Travail sont une condition sine qua non sans le respect de laquelle il n’y aurait pas de versement d’aide publique ? Quand même, est-ce que c’est possible ? Je ne dis pas un modèle social unique, je dis que l’OIT a des normes, je crois que c’est sept ou huit, je ne me souviens plus exactement.
Je souhaite également que nous puissions débattre au G20 des financements innovants, et notamment d’une possible taxe sur les transactions financières dont a parlé Bernard Kouchner. Sans cette taxe, les pays développés ne seront pas au rendez-vous de l’aide au développement et des accords, cher Jean-Louis Borloo, que nous avons pris à Copenhague. C’est tellement évident. Avec qui et où trouverons-nous l’argent s’il n’y a pas de financements innovants ? Tous les budgets sont en déficit. Ces financements sont indispensables pour être aux rendez-vous des objectifs du millénaire.
Ne devrait-on pas, du reste, parler au sein du G20 du financement d’un accord sur le climat ? Il est essentiel que l’accord de Copenhague soit appliqué, qu’il s’agisse du « fast start », des financements innovants ou de la protection des forêts. Et je compte m’entretenir avec le Président Zuma, qui assumera l’année prochaine la présidence de la Convention climat des Nations Unies, de toute la séquence qui pourra être porteuse de progrès absolument décisifs.
La France suggérera aussi un débat plus large sur la gouvernance mondiale. Le G20 a donné une impulsion décisive à la réforme de la Banque Mondiale ; il devrait faire de même dès les prochains mois avec celle du FMI. Mais enfin, comment pourrait-il ignorer les institutions spécialisées des Nations Unies qui traitent de l’économie, de l’emploi, du commerce ?
Dans ce contexte, ne pas adresser un signal fort à l’Assemblée Générale des Nations Unies en faveur d’une réforme intérimaire du Conseil de Sécurité serait folie? Enfin, cette réforme est débattue depuis vingt ans. Est-ce que l’on va encore passer vingt ans ? A quoi sert-il de dire à nos amis israéliens et à nos amis palestiniens : « allez-y », si nous-mêmes, à l’ONU, nous restons interdits devant cette réforme dont chacun sait qu’elle est indispensable et dont personne n’ose abattre ses cartes sur la table. Nous avons besoin de cette réforme intérimaire. Eh bien, le G20 devra la porter.
Je vous ai longuement parlé du G20 mais pour terminer je voudrais dire un mot du G8. Certains l’ont dit condamné. D’autres lui prédisent un bel avenir. L’avenir tranchera mais la France croit à l’avenir du G8. Elle préparera très soigneusement ce sommet dès le Printemps. Parce que le G8, ce sont les grandes démocraties qui partagent beaucoup en commun. Ce G8 sera précédé par la réunion des Ministres de l’Intérieur des pays concernés, qui parlera de la déstabilisation des pays de la Caraïbe, de l’Afrique de l’Ouest et du Sahel par les trafiquants de drogue.
L’autre grand thème du sommet sera le partenariat avec l’Afrique. Je suis plus que jamais convaincu que le succès de l’Afrique, c’est une chance pour l’Europe et que l’échec de l’Afrique serait un drame pour l’Europe, que les destins de l’Europe et de l’Afrique sont absolument liés et que nous n’avons pas d’autres choix que de travailler les uns avec les autres. Et, d’ailleurs, à Copenhague, avec Jean-Louis Borloo, on a essayé de faire en sorte que l’Europe et l’Afrique marchent main dans la main. L’Afrique a un potentiel considérable. L’Afrique a de l’espace, l’Afrique a des ressources, l’Afrique a une jeunesse et c’est tout l’intérêt de l’Europe de parler d’une même voix avec l’Afrique en donnant à l’Afrique le poids nécessaire dans la gouvernance mondiale et les financements nécessaires pour qu’elle se développe. On n’a pas le choix. Il y a douze kilomètres par le détroit de Gibraltar et donc, nous n’avons pas le choix en la matière.
Alors, Mesdames et Messieurs, vous voyez l’état d’esprit qui m’anime à la veille de cette double présidence. C’est celle d’un grand volontarisme, d’une grande détermination et puis, en même temps, la volonté de jouer collectif parce que, naturellement, à la table du G20, il faut que tout le monde avance, ce qui rend extraordinairement compliquée la présidence du G20 par rapport à la présidence européenne que la France a connue. C’est encore beaucoup plus compliqué parce que les intérêts sont contradictoires et, en même temps, qui peut penser que les paysans indiens ou les paysans chinois n’ont pas les mêmes intérêts que les paysans français d’avoir un marché des matières premières avec une visibilité ? Qui peut penser qu’un grand pays comme la Chine ne soit pas à la hauteur de ses responsabilités monétaires ? Et donc, par conséquent, on a une occasion de faire de l’année qui vient une année utile pour la stabilité internationale et la sécurité du monde. La France y prendra toute sa part.
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, je compte sur vous, votre ministre, vos ministres pour porter ce message et que la France continue à apporter des idées nouvelles, car, au fond, la France est fidèle à son passé, quand elle porte des concepts nouveaux et, dans le fond, peut-être que ce dont le monde a le plus besoin, au XXIe siècle, c’est de nouvelles idées, de nouveaux projets, de nouvelles ambitions, qu’on sorte du train-train qui a été certainement utile durant ce XXe siècle, qui a été organisé autour de deux conflits mondiaux, mais, nous sommes au XXIe siècle et la France est, me semble-t-il, idéalement placée. Elle n’est pas une super puissance, elle n’est pas une petite puissance, mais la France, au cœur de l’Europe est idéalement placée pour portée ses idées nouvelles.
Vous l’avez compris, ce sera une belle année, en tout cas, une année passionnante et une année chargée. Je sais que cela ne fait pas peur à notre corps diplomatique.
Je vous remercie. |